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Retard

Baisse des émissions de gaz à effet de serre : «Il en va de la crédibilité de l’Union européenne»

La Commission a reporté le lancement de son plan permettant une baisse de 90 % des émissions d’ici 2040. Un retard dû aux réticences de certains Etats membres.
En Pologne, fin 2024. Le pays fait partie, avec la Hongrie, l’Italie ou encore Chypre, qui ont exprimé des réticences face à l'objectif de 90 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2040. (Jakub Porzycki/NurPhoto.AFP)
publié le 24 mars 2025 à 19h29

Malgré l’urgence climatique, Bruxelles temporise. La Commission européenne avait prévu de dévoiler officiellement son «objectif climatique 2040» avant la fin du premier trimestre 2025 pour vite lancer les négociations entre les Etats membres et le Parlement européen. Mais ce trimestre s’achève, et rien ne devrait se passer comme promis. L’enjeu est de taille, puisque cet objectif 2040 s’inscrit dans la loi européenne sur le climat, pierre angulaire du Pacte vert (ou «Green Deal») qui a pour ambition ultime d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Etape intermédiaire, il doit permettre de poursuivre la trajectoire fixée par l’Union européenne (UE) à horizon 2030 qui impose aux pays de réduire d’au moins 55 % leurs émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Pour 2040, la feuille de route de la Commission européenne devait prévoir une baisse de 90 % des émissions. Feuille de route qui pour l’heure, donc, ne veut pas sortir des tiroirs.

Un très mauvais signal

Après plusieurs semaines de flou, Bruxelles a semblé confirmer ce lundi 24 mars que l’échéance initiale de fin mars ne serait pas respectée. «Le texte ne sera pas prêt pour le premier trimestre. Je n’ai connaissance d’aucune proposition cette semaine au vu du calendrier mis à notre disposition. Ce n’est pas prévu à l’ordre du jour», a déclaré Paula Pinho, une des porte-parole de la Commission européenne, refusant de dévoiler la date à laquelle l’objectif serait finalement mis à l’agenda. Un changement de programme qui envoie un très mauvais signal, alors même que le conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique estime qu’au regard des «politiques actuelles», les émissions de gaz à effet ne seraient réduites que de 49 % d’ici à 2030, bien en deçà des 55 % nécessaires.

En réaction au retour d’un Donald Trump pyromane et ennemi de l’écologie à la présidence des Etats-Unis, l’Union européenne avait fait la promesse de ne pas revenir sur ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique. Pourtant, force est de constater que le backlash (retour de bâton) environnemental agite aussi le Vieux Continent, et que la Commission européenne peine à incarner une véritable volonté politique dans ce contexte. Car l’objectif 2040 n’est pas la seule mesure climatique sur laquelle Bruxelles ne respecte pas les délais en raison de dissensions internes à l’UE – certains Etats membres, à l’image de la Pologne, de la Hongrie, de l’Italie ou encore de Chypre ont exprimé leur réticence à soutenir l’objectif des 90 % de baisse d’émissions.

La feuille de route de la COP aussi est en retard

Même si son cas est loin d’être isolé, l’Europe est également en retard sur la livraison de sa feuille de route fixant les engagements de réduction d’émissions à horizon 2035 et qui devait être soumis à l’ONU avant le 10 février. Or, ce document est essentiel pour espérer une bonne conduite des débats et des avancées majeures lors de la future COP30, prévue à Bélem, au Brésil, en novembre. «Nous serons jugés à l’avenir sur notre volonté de répondre fermement à la crise climatique croissante. Dans la perspective de la COP30, nous avons besoin de [feuilles de route] ambitieuses», a insisté dans une lettre ouverte, publiée le 10 mars, le président de la COP30, André Corrêa do Lago.

L’objectif climatique 2040 constitue un prérequis à l’envoi du document 2035 aux Nations unies. Ce mardi 25 mars, à Berlin, de hauts responsables politiques européens auront l’occasion de se croiser lors du dialogue de Petersberg, un événement organisé chaque année par la chancellerie allemande pour parler climat. Et jeudi 27 mars, les ministres de la Transition écologique se retrouveront pour un conseil environnemental à Bruxelles. Deux occasions pour faire avancer ce dossier crucial et accumuler le moins de retard possible. «Nous sommes très inquiets de la tournure des événements, exprime Caroline François-Marsal, spécialiste des politiques européennes au sein du Réseau Action Climat. Il est urgent qu’une discussion entre les Vingt-Sept aboutisse à un accord sur la trajectoire 2040. Il en va de la crédibilité de l’Union européenne et de son leadership sur les questions climatiques à l’international.»