L’Union européenne (UE), qui a pourtant l’image d’une «bonne élève» du climat sur la scène internationale, n’est en réalité pas si exemplaire que cela. Telle est en substance la conclusion d’un rapport de la Cour des comptes de l’UE publié lundi et intitulé «Objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie. Contrat rempli pour 2020, mais pronostic réservé pour les objectifs de 2030».
L’UE a certes globalement atteint les objectifs climat et énergie qu’elle s’était fixés pour 2020. Mais les auditeurs estiment que cette réussite n’est pas attribuable à la seule «action pour le climat». Ils font ainsi observer que «l’Union des 27 n’aurait très probablement pas atteint son objectif d’efficacité énergétique de 2020 si la crise financière de 2009 et la pandémie de Covid-19 n’avaient pas entraîné une diminution de la consommation d’énergie», relève la cour dans un communiqué. Or, l’UE n’a pas évalué avec précision l’incidence des facteurs externes sur ses performances écologiques. De manière générale, «l’information sur la performance climatique et énergétique de l’UE et de ses Etats membres n’est pas un modèle de transparence, si bien qu’il est difficile d’en tirer des enseignements», déplore la cour.
De sorte que les auditeurs se demandent si les efforts de l’UE pour réduire, d’ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % par rapport aux niveaux de 1990 seront payants. Outre cet objectif de réduction des émissions de GES, le plan climat de l’UE prévoit pour 2030 des gains d’efficacité énergétique et un objectif contraignant de 42,5% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie. Des objectifs ambitieux qui ont «du plomb dans l’aile», s’inquiète la cour. Car «peu d’éléments indiquent que les actions entreprises seront suffisantes» pour atteindre ces objectifs.
«Nombre de signaux ne nous rendent pas optimistes»
Ainsi, «l’inquiétude plane» sur les années à venir. «Nous n’avons trouvé que peu d’éléments laissant penser que les ambitieux objectifs 2030 donneront lieu à des actions suffisantes. Rien n’indique qu’un financement suffisant sera mis à disposition, en particulier par le secteur privé, censé contribuer largement à leur réalisation», relève l’institution basée au Luxembourg.
Dans son précédent budget 2014-2020, l’UE était censée consacrer 20% au climat, mais selon les auditeurs, seuls 13% y ont été réellement dédiés. Désormais, l’UE s’est engagée à consacrer au moins 30% de son budget 2021-2027 à l’action climatique, soit 87 milliards d’euros par an. Même s’il est respecté, «ce montant représente moins de 10% du total des investissements nécessaires, estimés à 1 000 milliards d’euros annuels. Le reste devrait provenir de fonds nationaux et privés», précise le rapport. Or, il n’y a aucune assurance sur ces derniers, faute de détails : les données disponibles sur les besoins en investissements et sources de financement «ne suffisent pas à déterminer si les plans (climatiques) nationaux fournissent une base solide» en vue de 2030, déplore la cour. «Ces plans ne disent pas grand chose sur la manière de combler l’écart (de financements). Nombre de signaux ne nous rendent pas optimistes, il est clair qu’il faut davantage d’efforts», a observé l’auditeur Lorenzo Pirelli devant la presse.
Le rapport insiste là encore sur «le manque de transparence» en raison des «flexibilités» accordées aux Etats pour atteindre leurs objectifs nationaux. Pour atteindre les niveaux-cibles de 2020, plusieurs pays ont ainsi dû acheter des quotas d’émissions ou des parts d’énergie renouvelable auprès d’autres Etats qui avaient, eux, dépassé leurs objectifs. En avril 2023, la France n’avait pas encore acheté les parts manquantes pour atteindre son objectif de renouvelables, cas unique dans l’UE.
«Les plans nationaux ne sont pas suffisamment ambitieux»
Cinq autres pays (Slovénie, Irlande, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg) n’ont pu compter sur leur seule production de renouvelables, n’atteignant leur objectif que grâce aux flexibilités permises par Bruxelles (achat d’énergie auprès d’autres Etats, projets communs inter-étatiques...). Mais sans transparence sur leur «rapport coût-efficacité», déplore la cour. Autre source d’inquiétude : «Les plans nationaux ne sont pas suffisamment ambitieux» pour atteindre l’objectif collectif d’efficacité énergétique que se sont fixés les Vingt-Sept à l’échelle de l’UE.
Les auditeurs confirment qu’en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre, «l’UE est une bonne élève par rapport à d’autres pays industrialisés». Mais elle ne comptabilise toutefois pas toutes ses émissions, qui augmenteraient d’environ 10 % si celles provenant des échanges ainsi que du transport aérien et maritime international étaient prises en compte. «Nous pensons que toutes les émissions de gaz à effet de serre générées par l’UE devraient être prises en compte, y compris celles résultant du commerce ou du transport aérien et maritime international, insiste dans le communiqué Joëlle Elvinger, responsable de l’audit au sein de la cour. Il s’agit là d’un point important, étant donné que l’UE s’est engagée à être à l’avant-garde de la transition vers la neutralité climatique.»