Soyons honnêtes, l’actualité environnementale offre peu de raisons de se réjouir. En 2023, année la plus chaude de l’histoire, les informations sur les températures records, les sécheresses extrêmes, la fonte des glaces ou encore les pluies diluviennes ont inondé notre quotidien. Les bonnes nouvelles sont rares mais elles existent. Libération vous propose une liste (non exhaustive) de six avancées remarquables dans la lutte contre le dérèglement climatique et la crise du vivant.
Un tournant majeur pour les énergies renouvelables
«Le début de la fin de l’âge fossile» : jamais autant d’énergies renouvelables n’ont été produites dans le monde, alors qu’il devient de plus en plus urgent d’abandonner les combustibles fossiles qui réchauffent la planète. Eolien et solaire ont assuré 12 % de la production électrique mondiale en 2022, se hissant à un niveau «record», selon un rapport du groupe de réflexion sur l’énergie Ember, publié le 12 avril. Elles représentaient environ 5 % de la production mondiale en 2015, et moins de 2 % en 2010. Plus largement, en considérant «toutes les sources d’électricité propres [soit l’ensemble des renouvelables et nucléaires, ndlr]», celles-ci ont «atteint 39 % de l’électricité mondiale», un autre «nouveau record». Cette percée a permis de limiter le recours au charbon. Pour chaque dollar (soit 0,90 euro) investi dans les combustibles fossiles, 1,70 dollar (1,54 euro) est désormais consacré aux énergies propres. Il y a cinq ans, autant d’argent était investi dans les énergies renouvelables que dans les énergies fossiles, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Selon un autre rapport de l’AIE publié au mois de juin, les énergies renouvelables devraient également représenter 4 500 GW de puissance en 2024. Soit la production électrique des Etats-Unis et de la Chine réunis. Cette dernière va conforter sa place de locomotive des nouvelles capacités d’énergies renouvelables : «En 2022, la Chine représentait près de la moitié de toutes les nouvelles capacités d’énergies renouvelables dans le monde. D’ici 2024, la part du pays devrait atteindre une part record de 55 % du déploiement mondial annuel» de nouvelles capacités, écrit l’AIE. On ne peut toutefois pas ignorer que la Chine a également augmenté sa production de charbon au cours de l’année 2023.
Des espèces, considérées comme disparues, renaissent
Alors qu’un million d’espèces animales et végétales sont déjà ou seront prochainement menacées de disparition, certaines bénéficient d’un répit grâce à des programmes de préservation et de réintroduction. Depuis 2017, les bisons des plaines ont par exemple retrouvé leurs terres ancestrales dans le parc de Banff, le plus ancien parc canadien. Les bisons, qui étaient 16 au départ, sont près de 100 en cette fin de l’année 2023.
Autre nouvelle inscription dans le carnet rose : à la mi-novembre, un rhinocéros de Sumatra, espèce menacée d’extinction, a vu le jour dans une réserve de l’ouest de l’Indonésie. Une femelle rhinocéros dénommée Delilah a donné naissance à un mâle au sein du Parc national Way Kambas à Sumatra. Le gouvernement indonésien a en effet lancé un programme pour sauver cette espèce comptant moins de 80 représentants.
En Nouvelle-Zélande, ce sont les kiwis bruns, emblèmes nationaux du pays, qui réapparaissent. L’espoir de sauver ce petit oiseau incapable de voler renaît avec la venue au monde courant novembre de deux poussins près de Wellington, capitale du pays. Il s’agit des premières éclosions sauvages enregistrées dans la région depuis plus d’un siècle pour cette espèce symbole de l’archipel océanien. Leur population devrait d’ailleurs encore s’élargir avec l’éclosion attendue de 18 autres bébés kiwis bruns.
La déforestation de l’Amazonie en chute libre
D’autres nouvelles optimistes sont venues du Brésil. Le gouvernement dirigé par Lula a annoncé à l’automne une baisse de 22,3 % en un an de la déforestation en Amazonie, le meilleur résultat en quatre ans. Selon les autorités, la réduction du déboisement entre août 2022 et juillet 2023 a permis d’éviter l’émission de 133 millions de tonnes de CO2, soit 7,5 % du total émis par le pays. Une coalition de groupes de défense de l’environnement a accueilli favorablement ces résultats qui «mettent le pays sur la bonne voie pour atteindre l’objectif climatique». C’est le meilleur constat observé depuis 2019, point de départ d’une flambée de l’exploitation forestière dans la forêt amazonienne qui a atteint un pic de 13 038 km² détruits entre août 2020 et juillet 2021, du jamais vu en quinze ans.
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Pour Lula, qui s’est engagé à mettre un terme à la déforestation d’ici à 2030, c’est une première victoire, qui marque une rupture nette avec le mandat de son prédécesseur Jair Bolsonaro. En quatre années à la tête du plus grand pays d’Amérique du Sud, le dirigeant d’extrême droite a démantelé les politiques publiques de protection de l’Amazonie, au bénéfice du commerce des produits agricoles et de l’exploitation minière. Dès son investiture, début janvier 2023, Lula avait signé une série de décrets pour renforcer la sauvegarde de la forêt tropicale, qui joue un rôle décisif dans la stabilisation du climat mondial. L’ex-métallo du Parti des Travailleurs avait notamment décidé de réactiver le Fonds pour l’Amazonie, gelé depuis 2019, et de révoquer une décision de Jair Bolsonaro autorisant l’exploitation minière dans les zones indigènes et les zones protégées au niveau environnemental.
Un traité pour protéger la haute mer
Un pas historique dans l’histoire de la mer, et de l’humanité. Après quinze ans de discussions, les Etats membres de l’ONU se sont enfin mis d’accord au cours du mois de mars sur le premier traité international de protection de la haute mer, destiné à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité. Il pourrait entrer en vigueur dès 2025, au moment de la prochaine Conférence des Nations unies sur l’océan en France. Même si elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la planète, la haute mer – qui commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes et n’est donc sous la juridiction d’aucun Etat – a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques.
Parce qu’elle grouille de vie, la haute mer abrite une manne substantielle d’enzymes et de molécules potentiellement intéressantes pour les industries pharmaceutiques, agroalimentaire ou cosmétique. Entre 500 000 et plus de 10 millions d’espèces différentes vivraient dans l’océan, dont seulement 280 000 ont été recensées. Alors le nouveau traité, quand il entrera en vigueur après avoir été formellement adopté, signé puis ratifié par suffisamment de pays, permettra de créer des aires marines protégées dans ces eaux internationales. Environ 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservations, et cet outil emblématique est jugé indispensable pour espérer protéger, d’ici à 2030, 30 % des terres et des océans de la planète, comme s’y sont engagés l’ensemble des gouvernements de la planète.
La couche d’ozone en voie de guérison
La couche d’ozone, qui protège la Terre de radiations solaires dangereuses, est «en bonne voie» pour se reconstituer pendant les quatre prochaines décennies, indiquait un rapport scientifique publié début janvier sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). «L’élimination progressive de près de 99 % des substances interdites qui détruisent l’ozone a permis de préserver la couche d’ozone et contribué de façon notable à sa reconstitution dans la haute stratosphère et à une diminution de l’exposition humaine aux rayons ultraviolets (UV) nocifs du soleil», notent ces experts. Le trou de la couche d’ozone avait par le passé été créé par la pollution d’origine humaine, particulièrement par les chlorofluorocarbures (CFC) autrefois émis par de nombreux réfrigérateurs.
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Malgré une tendance positive, la couche d’ozone est toutefois soumise à une forte variabilité : la présence et la taille des trous varient tous les ans, en fonction des conditions météorologiques. Par exemple, en 2019, il n’y a quasiment pas eu de trou d’ozone. Au cours des dernières décennies, la coopération mondiale a cependant donné à la couche d’ozone une chance de se reconstituer. Le Protocole de Montréal (Canada), signé en 1987 et ratifié par 195 pays, a fortement réduit la quantité de CFC dans l’atmosphère. La couche d’ozone devait ainsi se reconstituer complètement, selon les estimations de l’ONU. En 2016, l’accord de Kigali a aussi prévu l’élimination progressive des hydrofluorocarbones (HFC), gaz extrêmement nocifs pour le climat utilisé dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Si les politiques mondiales restent en place, la couche d’ozone devrait retrouver son niveau de 1980 d’ici à 2040 dans la majeure partie du monde. Pour les régions polaires, le délai de reconstitution est plus long : 2045 pour l’Arctique et 2066 pour l’Antarctique.
Les nappes phréatiques retrouvent leur niveau d’antan en France
Les pluies abondantes des mois d’octobre et de novembre ont eu un double impact. Si elles ont entraîné des inondations catastrophiques dans le nord de la France, elles ont en revanche permis de remplir les nappes phréatiques, indispensables par exemple pour l’agriculture, la distribution de l’eau potable ou encore la biodiversité. Résultat : le niveau des nappes phréatiques n’a jamais été aussi haut depuis trois ans. Seules 41 % d’entre elles restent sous les normales au 1er décembre 2023, contre 65 % un mois plus tôt. Et près de la moitié (48 %) est même repassée au-dessus des normales de saison, alors qu’elles n’étaient que 14 % début novembre. Des chiffres qui s’expliquent par la récente météo. Sur trente jours, le pays a été arrosé par un cumul moyen de 237,3 mm de pluies. Un record.
La situation est donc nettement meilleure qu’en 2022 à la même époque, lorsque 70 % des niveaux étaient sous les normales. «Seules les nappes du Languedoc et du Roussillon», où les pluies restent insuffisantes pour compenser les déficits accumulés, «conservent des niveaux plus bas qu’en 2022», note le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La prudence reste tout de même de mise. Pour certaines nappes, un scénario optimiste peut se profiler si les pluies continuent de tomber. Mais pour les nappes inertielles (Artois, bassin parisien, couloir Rhône Saône) ou très dégradées (Roussillon), la reconstitution des réserves en eau apparaît «difficilement envisageable d’ici le printemps 2024», souligne le Bureau.