Des flammes qui ravagent des forêts entières et foulent des hectares de terre. Aux Etats-Unis, au Brésil, en Grèce, en Turquie, et même jusqu’aux toundras d’Arctique… Depuis plusieurs semaines, les vagues de chaleurs qui sévissent un peu partout sur la planète sont parfois associées à des incendies dévastateurs. La Californie, qui a enregistré ces derniers jours des températures ubuesques entre 45°C et 50°C, est aujourd’hui en première ligne. Des dizaines de milliers de personnes ont déjà dû être évacuées. Un feu menace le célèbre parc national Yosemite. Un autre encercle dangereusement l’aéroport de Placerville, près de Sacramento, dans le comté d’El Dorado. Et rien n’indique que les pompiers vont pouvoir bénéficier d’un temps d’accalmie pour sortir de cette spirale infernale, tant les records extrêmes de chaleur s’enchaînent. Pire, cette déferlante suffocante pourrait même s’élargir à l’Oregon, Washington, le Nevada et l’Arizona, qui se préparent au mieux aux potentiels foyers d’embrasement.
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Au Brésil aussi, le calvaire continue. La plus grande zone humide tropicale de la planète, le Pantanal, brûle sans s’arrêter. Depuis le 2 juillet, 271 départs de feu ont été recensés par l’Institut national de recherches spatiales du pays. Paradis de biodiversité et refuge exceptionnel pour plus de 650 espèces d’oiseaux, 98 de reptiles et 159 de mammifères, ce territoire d’une superficie de 150 000 km² pour le seul Brésil (le Pantanal s’étend en Bolivie et au Paraguay) souffre d’une sécheresse historique. Une sécheresse qui permet aux flammes de démarrer plus facilement et de se propager très vite puisque la végétation et le sol deviennent de véritables couloirs d’incendies.
Plan d’urgence à Chypre
En Grèce, des feux de forêts ont frappé ces dernières semaines la région d’Athènes ou encore sur l’île de Chios, dans le nord-est de la mer Egée, attisés par des vents forts mais aussi le manque de pluie. Dans une allocution prononcée ce lundi, le porte-parole du gouvernement, Pavlos Marinakis, a affirmé que ce mois de juin a été le «plus chaud jamais enregistré» et dénombré «deux fois plus» d’incendies que celui de l’an passé, avec déjà 1 281 feux répertoriés (9 800 hectares), contre 533 en 2023.
Interview
Non loin de là, la Turquie et Chypre ont également subi le sort des flammes. Il y a une quinzaine de jours, quinze personnes sont décédées dans un incendie qui s’est abattu dans le Sud-Est turc, à proximité de la ville de de Diyarbakir, alors que le thermomètre affichait plus de 40°C en journée. A peine une semaine plus tôt, sur l’île de Chypre, un plan d’urgence national avait dû être activé, cinq villages évacués et des bombardiers d’eau (venus de Grèce et de Jordanie) être déployés, en raison d’une vague rougeoyante – annonciatrice pour certains d’une saison estivale de feux intense. Là encore, le pays croulait sous une température de plus de 40°C.
«Points de basculement climatiques dangereux»
Bien plus au nord, les terres arctiques ne sont pas plus épargnées. Des flammes ravagent à l’heure actuelle des secteurs entiers de la république russe de Sakha, au nord-est de la Sibérie. Selon le service d’observation européen Copernicus, les émissions de CO2 provenant de ces incendies se sont élevées à 6,8 millions de tonnes rien que pour juin sur l’ensemble du cercle polaire. Ce qui en fait le troisième mois le plus nocif et délétère de ces vingt dernières années dans le secteur arctique derrière les saisons des feux 2019 et 2020, qui avaient enregistré respectivement 16,3 et 13,8 millions de tonnes de C02. «La région arctique de la république de Sakha a connu des températures de surface beaucoup plus élevées et des conditions de surface plus sèches que d’habitude pour cette période de l’année», expliquent les experts de Copernicus dans leur rapport. «L’augmentation des incendies de forêt en Sibérie est un signe clair que ce système essentiel s’approche de points de basculement climatiques dangereux», alerte même Gail Whiteman, professeure à l’université britannique d’Exeter et fondatrice de l’organisation de vulgarisation scientifique «Arctic Basecamp».
Car ces émissions libérées dans l’atmosphère participent au réchauffement de la planète, qui lui-même joue un rôle majeur dans l’avènement d’incendies… Les feux sont des phénomènes complexes qui peuvent être expliqués à la lumière de plusieurs facteurs (plus ou moins combinés) : météo, végétation, activités des humains sur le sol en question… Toutefois, selon une étude parue il y a deux semaines dans la revue scientifique Nature Ecology & Evolution, leur nombre et leur intensité ont bel et bien plus que doublé dans le monde depuis vingt ans en raison du réchauffement climatique. Dans les forêts de conifères tempérées telles qu’elles existent à l’ouest des Etats-Unis, ou en Méditerranée, ce nombre d’incendies a même été multiplié par dix. Dans les vastes forêts boréales du nord de l’Europe et du Canada, par sept.