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Environnement

Catastrophes naturelles à répétition : un rapport pour lutter contre les possibles «déserts assurantiels» dans les zones à risques

Un rapport a été remis ce mardi 2 avril au gouvernement pour tenter de répondre aux enjeux d’assurabilité dans les régions exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes. L’exécutif se laisse cinq mois pour en étudier les préconisations.
Un gérant d'hôtel observe les dégâts causés par les inondations à Montbard, dans le centre-est de la France, le 2 avril 2024. (Arnaud Finistre/AFP)
publié le 2 avril 2024 à 19h38

A mesure que les inondations, incendies et autres épisodes de sécheresse se multiplient partout sur le territoire français, les assurances s’endettent. En 2023, les catastrophes naturelles, exacerbées par le réchauffement climatique, ont coûté 6,5 milliards d’euros aux assureurs. Ces phénomènes météorologiques extrêmes font «souffrir les assurés, mais les assureurs aussi sont de plus en plus exposés», a souligné Thierry Langreney, président de l’ONG Les ateliers du futur, lors de la remise ce mardi 2 avril de son rapport sur l’assurabilité des risques climatiques aux ministères de l’Economie et de la Transition écologique. Coécrit avec Gonéri Le Cozannet, coauteur du sixième rapport du Giec et Myriam Merad, directrice de recherche au CNRS, ce long document dresse un constat exhaustif des enjeux auxquels les assurances font face, et livre une série de préconisations au gouvernement pour moderniser notre système d’indemnisation. Libération en reprend les principaux points.

Augmenter la surprime Cat Nat

Afin de rééquilibrer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, qui est entré dans une série inédite de déficit annuel depuis 2016, le rapport propose d’adapter le montant de la surprime Cat Nat. Cette cotisation universelle est obligatoire : tous les Français paient actuellement 12 % de surprime Cat Nat dans leur assurance habitation. «Nous préconisons de l’incrémenter régulièrement au regard de cette inflation climatique», note Thierry Langreney. C’est une préconisation que le gouvernement avait bien anticipée. Le 28 décembre 2023, le ministère de l’Economie a annoncé une augmentation de la surprime Cat Nat à 20 % sur toutes les assurances habitation, dès 1er janvier 2025.

Lutter contre les «déserts assurantiels»

Les auteurs du rapport sont catégoriques : certaines assurances ne jouent plus le jeu, et évitent désormais les zones fortement exposées au risque de catastrophe naturelle. Un comportement contraire au principe de solidarité que prône le système français. «Nous préconisons de traiter très sérieusement ce sujet, en changeant les règles du jeu», indique Thierry Langreney. L’objectif serait de rendre à nouveau économiquement attractif ces régions très touchées par les catastrophes naturelles. Le mécanisme imaginé est le suivant : sur les 20 % de surprime Cat Nat que devront payer les Français au 1er janvier 2025, 12 % ne sont pas touchées par les assurances, mais envoyées au fonds Barnier, qui permet par exemple aux propriétaires de réaliser des travaux préventifs pour limiter les conséquences des catastrophes naturelles sur leur maison. Les auteurs proposent de modifier ce pourcentage en fonction des zones à risque : plus une région sera exposée, plus la part reversée aux assurances sera grande, afin de les aider à rembourser sans vider totalement les caisses.

Cette modulation n’aura aucune conséquence sur les 20 % payés par les Français et ne se fera pas ressentir sur la facture : seule la façon dont ces 20 % sont ensuite redistribués aux assurances changerait. «Tout cela suppose la mise en place d’une cartographie des zones d’exposition, de «forte» à «moyenne» ou «faible»», rappelle Thierry Langreney. Une idée à laquelle le gouvernement ne semble pas totalement fermé.

Plus de responsabilisation et de prévention

Si le système d’indemnisation français face aux catastrophes naturelles se base bien sur la solidarité, il ne faut pas oublier la part de responsabilité individuelle des propriétaires. Ne pas construire de nouveaux logements dans des zones vulnérables au recul du trait de côte, par exemple. Une des préconisations du rapport, qui n’a pour le moment pas encore été envisagée par le gouvernement, serait d’augmenter (à nouveau) la surprime Cat Nat uniquement pour les résidences secondaires et locatives qui se trouvent dans les zones fortement exposées aux catastrophes naturelles. L’objectif est là encore de trouver le bon équilibre entre solidarité nationale et responsabilité individuelle.

Enfin, le mieux reste encore de prévenir plutôt que de guérir. «Nous allons au-devant de lendemains plus marqués par le changement climatique : cyclones en Outre-mer, inondations…, énumère Thierry Langreney. Pour maîtriser le coût de tous ces sinistres, il nous paraît souhaitable d’investir dans la prévention.» En ce qui concerne les logements neufs, l’auteur évoque avoir été «impressionné par l’exemple espagnol», qui maîtrise parfaitement l’assurabilité du retrait-gonflement d’argile - mouvements de terrain de nature à déstabiliser les fondations des bâtis - en systématisant les études de sol et en imposant des contrôles avant chaque construction. Pour le bâti ancien, la prévention passerait dans l’accompagnement des particuliers pour les aider à comprendre les risques qu’ils encourent, et à réaliser des travaux de résilience dans leur maison.

Sur la base de ces recommandations, le gouvernement se donne jusqu’à la fin de l’été pour mener des consultations avec l’ensemble des parties prenantes et réaliser des «arbitrages» entre les différentes préconisations.