Malgré une rivalité croissante, les deux plus grands émetteurs historiques de dioxyde de carbone (CO2), les Etats-Unis et la Chine, tentent de travailler ensemble sur l’urgence climatique. Ils sont responsables à eux deux de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Après des discussions entre les émissaires chinois et américain, Xie Zhenhua et John Kerry début novembre en Californie, les deux poids lourds ont annoncé mercredi 15 novembre lors du sommet américano-chinois de San Francisco la création d’un groupe de travail commun pour «accélérer les actions concrètes en faveur du climat». L’objectif est de collaborer plus étroitement pour relever «l’un des plus grands défis de notre temps».
Il est grand temps puisqu’une intense COP28 se profile à Dubaï, du 30 novembre au 12 décembre, avec comme sujet central la nécessité de sortir des énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon). Le nouveau groupe de travail créé par les Etats-Unis et la Chine se concentrera sur «la transition énergétique, le méthane, l’économie circulaire et l’efficacité des ressources, les provinces / Etats et villes à faible émission de carbone et durables, et la déforestation», ont indiqué dans une déclaration commune les médias d’Etat chinois et le département d’Etat américain.
Signal positif
«Le consensus trouvé entre les Etats-Unis et la Chine représente un moment significatif avant la COP28», commente Sultan al-Jaber, président de la 28e conférence climat des Nations unies et accessoirement PDG de la compagnie pétrolière nationale ADNOC. «Cela envoie clairement le signal qu’en dépit des défis mondiaux, l’appel de la COP28 en faveur de l’action climatique unit les parties et rehausse les ambitions», ajoute-t-il. Si les deux puissances s’écharpent autour de Taïwan, de différends commerciaux et de la mer de Chine méridionale, elles collaborent depuis plusieurs années sur la question climatique, domaine dans lequel elles trouvent régulièrement un terrain d’entente. Il aurait été de très mauvais augure qu’elles coupent les ponts sur ce sujet à l’avant-veille du raout international.
Tout en reconnaissant qu’il s’agit d’une «bonne nouvelle», Li Shuo, un ancien de Greenpeace qui a rejoint l’Asia Society Policy Institute, signale que «cette déclaration n’apporte pas d’avancée majeure en termes d’engagement des deux pays» et qu’«il restera un nombre important de sujets de discorde». David Waskow, du groupe de réflexion américain World Resources Institute, juge pour sa part «décevant de voir que les deux pays ne disent rien [dans leur déclaration commune, ndlr] sur la nécessité d’une transition rapide pour s’éloigner des énergies fossiles pendant cette décennie, ce qui sera un sujet central de la COP28».
Indemniser les pays les plus pauvres
Il salue toutefois «l’engagement des deux pays à inclure tous les gaz à effet de serre, y compris le méthane, dans leurs prochains plans climatiques». C’est «une avancée majeure parce que la Chine est le premier émetteur mondial de méthane», souligne l’expert. Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre d’origine lié à l’activité humaine après le CO2. Mais son effet de réchauffement est 28 fois plus important que celui du CO2 à l’horizon d’un siècle.
Un autre enjeu du sommet de Dubaï sera de définir les contours d’un fonds appelé «pertes et dommages», dont le principe a été adopté lors de la COP27 et qui est censé indemniser les pays les plus pauvres face aux conséquences du changement climatique. L’administration du président américain Joe Biden ne s’oppose pas à ce fonds mais exige que la Chine y contribue aux côtés des pays développés. Pékin, qui s’affiche souvent en porte-voix des pays émergents, estime que ces derniers ne devraient pas être soumis à des contraintes qui n’ont jamais été imposées aux Occidentaux durant leur phase de développement.