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Sale temps

Climat : comment le réchauffement rallonge nos journées

Une étude suggère que la fonte des glaciers et des calottes glaciaires ralentit la rotation de la Terre. Ce qui allonge la durée des jours de plus d’une milliseconde par siècle. Le phénomène s’accélère depuis 2000.
L'Antarctique est fortement touché par le réchauffement climatique. (Antoine Lorgnier/Biosphoto. AFP)
par Laureline Condat et AFP
publié le 16 juillet 2024 à 19h07

S’il y a bien une conséquence du changement climatique qui peut étonner, c’est celle-ci. Il allongerait la durée de nos journées de quelques millisecondes, comme le confirme une étude publiée lundi 15 juillet dans la revue de l’Académie nationale des sciences des Etats-Unis (Pnas). Alors, comment expliquer cela ? «C’est comme lorsqu’un patineur artistique fait une pirouette, en tenant d’abord ses bras près de son corps, puis en les étirant», explique à l’AFP l’un des coauteurs de l’étude, Benedikt Soja. Quand le patineur rapproche ses bras de lui, sa vitesse s’accélère. Mais s’il décide de les écarter, il se met à ralentir. C’est la théorie du moment d’inertie, aussi appelée théorème de la patineuse.

Un théorème qui s’applique aussi à la rotation de la Terre. A cause de la fonte de l’Antarctique, du Groenland et de nombreux glaciers, principalement situés «dans les régions polaires», l’eau issue de cette fonte se déplace. Et ce, majoritairement «dans les régions équatoriales», précise le géophysicien Surendra Adhikari, un autre coauteur de l’étude. Tout cela change la répartition des masses sur Terre. Ce qui diminue le rythme auquel elle tourne.

Un ralentissement qui rallonge les jours. Depuis 2000, l’allongement de la durée du jour lié au changement climatique a cru pour atteindre 1,33 milliseconde par siècle. Et d’après l’étude, il pourrait passer à 2,62 millisecondes tous les cent ans d’ici 2080 ou 2100 si rien n’est fait pour limiter le réchauffement planétaire et si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter.

GPS et Internet perturbés ?

Dans une seconde, il y a 1 000 millisecondes. Une modification de quelques millisecondes est anodine dans une journée de vingt-quatre heures qui représente 86 400 secondes. Mais, selon les auteurs de l’étude, cela pourrait suffire à perturber certaines technologies comme les GPS, les serveurs informatiques ou encore Internet. Et dans ce cas, en fonction du changement induit par les effets du réchauffement climatique, il faudrait peut-être ajouter une ou plusieurs secondes dites «intercalaires» pour corriger le temps universel et éviter toute perturbation potentielle.

Après lecture de cette nouvelle publication (à laquelle il n’a pas participé), l’astronome français Christian Bizouard invite à relativiser l’influence du changement climatique sur la vitesse de rotation de la Terre. «Si la fonte des glaciers et calottes glaciaires participe à la ralentir, précise-t-il, elle n’est qu’un phénomène parmi d’autres qui agissent, eux aussi, sur sa vitesse. Et parfois davantage.» C’est notamment le cas de celui, électro magnétique, de l’interaction noyau manteau, qui à une influence «au moins trois fois plus forte», dans un sens comme dans l’autre. Il peut aussi bien accélérer que décélérer la vitesse de rotation de la Terre. Alors, d’après le chercheur, si depuis 2021 celle-ci ralentit, ce n’est pas seulement en raison du réchauffement climatique. C’est le résultat de la conjonction de plusieurs phénomènes, dont celui-ci.

Reste que, selon le travail publié ce mardi, dans un scénario à émissions élevées, l’impact du changement climatique sur le ralentissement de la rotation de la Terre pourrait être plus important que celui de la Lune. Pourtant, voilà plusieurs milliards d’années que cette dernière la freine aussi. D’où la dimension symbolique de l’étude, pointée par Benedikt Soja : elle montre que «l’impact des humains sur la planète est plus important que nous ne le pensons».

Mis à jour le 18 juillet à 12h00 avec des précisions sur les facteurs influant sur la vitesse de rotation de la Terre.