Condenser les résultats de milliers d’études scientifiques, qui tiennent en plus de 10 000 pages, en un document de quelques dizaines de feuillets. Une gageure inatteignable à première vue, mais sur le point de voir le jour. Les experts du Groupe intergouvernemental d’expert sur l’évolution du climat (Giec), ont amorcé lundi 13 mars des discussions pour adopter la synthèse de leur sixième rapport d’évaluation. Prévue jusqu’au 17 mars à Interlaken, en Suisse, cette session doit se conclure le 20 mars par la publication très attendue de cette synthèse, qui représentera le dernier consensus scientifique sur le climat. Retour sur un travail titanesque lancé en 2015.
Qu’est-ce que le Giec ?
Qu’on ne se méprenne pas. Le Giec ne réalise pas d’études. Créé en 1988, ce groupe, composé d’une centaine d’experts et de chercheurs, a pour rôle de synthétiser la littérature scientifique existante. Le but est d’exposer les options possibles aux décideurs politiques. Comme un guide pour ses 195 pays membres. Le Giec évalue donc l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts. Et offre des solutions pour limiter l’ampleur des dégâts. Libre aux Etats de les suivre, ou de s’en affranchir.
Le plus gros du travail du Giec, c’est donc la synthèse. Transformer des milliers d’études scientifiques techniques et pointilleuses en un résumé condensé et intelligible.
Pour aller plus loin
Que comportera cette sixième synthèse ?
Le Giec fonctionne en cycle de cinq à sept années. Depuis sa création, le groupe a d’ores et déjà établi cinq rapports d’évaluation, à chaque fin de cycle. Cette semaine, ils planchent sur le sixième, entamé en 2015. Par exemple, le cinquième Rapport d’évaluation a, entre autres, permis d’établir l’influence de l’homme sur le système climatique. Un fait encore discuté jusqu’alors.
Cette année, le sixième Rapport d’évaluation sera composé de deux textes. Le premier sera un condensé, en une cinquantaine de pages, des trois volets principaux publiés en 2021 et 2022. Ces derniers apportaient les preuves physiques du réchauffement, ses impacts et les mesures d’atténuation. Ce premier texte résumera également les trois rapports spéciaux sur les conséquences d’un réchauffement de +1,5 °C, sur les océans et la cryosphère, et sur les terres émergées publiés au cours de ce cycle d’études.
Le second texte, d’une dizaine de pages, sera le «résumé pour les décideurs», un texte hautement politique qui doit être approuvé ligne par ligne par les délégués des 195 pays membres.
A quoi servira-t-elle ?
Cette synthèse sera la base scientifique des efforts de l’humanité et de ses responsables politiques pour tenir les objectifs de l’accord de Paris. L’objectif : contenir le réchauffement bien en dessous de 2 °C et, si possible, à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
Cette limite semble difficile à atteindre, les trajectoires actuelles tendant vers un réchauffement bien plus prononcé. Le monde en est aujourd’hui à près de 1,2 °C. «Ne pinaillez pas sur les virgules et la phraséologie, concentrez-vous sur le message principal, la magnitude du problème auquel nous faisons face, a demandé le secrétaire exécutif de l’ONU-Climat, Simon Stiell, au groupe d’experts chargés de la synthèse. Nous savons déjà ce que le rapport nous dira […] et nous avons des possibilités dans tous les secteurs pour réduire de moitié ou plus les émissions d’ici 2030, tout en maintenant la croissance économique mondiale […] Nous savons ce que nous avons à faire», a-t-il ajouté. «Maintenant la volonté politique doit se renforcer pour qu’il soit possible de corriger la trajectoire.»
Ces textes seront en effet un point d’appui majeur pour la société civile, qui a en ligne de mire le rendez-vous de la COP28, en décembre à Dubaï, où un premier bilan mondial des engagements des pays pour tenir les objectifs de Paris est attendu. «Les dirigeants ont besoin d’une orientation scientifique solide, franche et détaillée pour prendre les bonnes décisions […] et accélérer la sortie des énergies fossiles et la réduction des émissions», a clamé le chef de l’ONU Antonio Guterres dans un message vidéo à l’ouverture de la session. «Les faits ne sont pas remis en question. Nos actions le sont.» Reste à savoir si les dirigeants de ce monde sont prêts à prendre en compte les travaux du Giec, pour sauver la planète.