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Libération
«Vie réelle»

Climat : les événements extrêmes coûteraient au moins 143 milliards de dollars par an

Deux tiers des coûts dus aux pertes en vies humaines, le reste en pertes de biens matériels… Des chercheurs ont évalué la facture engendrée par les événements climatiques extrêmes dus au réchauffement climatique de 2000 à 2019.
Des habitations détruites à Derna, en Libye, par la tempête Daniel, le 17 septembre. (ZOHRA BENSEMRA/REUTERS)
publié le 10 octobre 2023 à 11h49

Le coût de l’inaction climatique s’élèverait à 143 milliards de dollars par an, selon une étude scientifique publiée dans la revue Nature Communications le 29 septembre. Les chercheurs néo-zélandais, Rebecca Newman et Ilan Noy se sont intéressés aux coûts de 185 événements climatiques extrêmes attribués au réchauffement climatique, de 2000 à 2019. Résultat, la facture varie de 60 à 230 milliards de dollars, avec une moyenne, donc, de 143. La facture devrait flamber en 2022 et 2023, mais il va falloir du temps aux chercheurs pour traiter les données.

Dans le détail, deux tiers de ces coûts étaient dus aux pertes en vies humaines et le reste en pertes de biens matériels. Les événements les plus coûteux sont les tempêtes ou les ouragans, devant les vagues de chaleurs et les inondations. Un bilan chiffré qui vient donner du relief à la passe d’armes entre le climatologue Jean Jouzel et le PDG de Total, Patrick Pouyanné, lors de la dernière université d’été du Medef. Ce dernier justifiait la poursuite de ses activités dans les énergies carbonées par la nécessaire prise en compte de «la vie réelle». Ce à quoi l’ancien coauteur du Giec répondait : «La vie réelle, c’est aussi l’équivalent du quart de la surface de la France qui a brûlé au Canada, les canicules et leurs morts, un pays comme l’Iran où l’on a arrêté de travailler pendant deux jours parce qu’il faisait 55 °C… L’écologie du bon sens nous mène droit à la catastrophe.» Cette étude apporte un argument de poids à Jean Jouzel. Ne pas agir, c’est perdre 143 milliards de dollars par an, soit un peu plus que le PIB du Maroc.

Et encore, ce chiffre est probablement sous-estimé, selon les auteurs. Si leurs travaux permettent de donner une première estimation du coût des catastrophes imputables au changement climatique, ils souffrent encore d’un certain manque de qualité des données de terrain. Ainsi, les études d’attribution des événements extrêmes sont essentiellement conduites en Amérique du Nord (23 %) et en Europe (25 %), mais très peu en Afrique (8 %).

Impossible, par exemple, de connaître le nombre de morts dus à des vagues de chaleur en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, tous les types d’événements ne sont pas étudiés de la même manière. Un tiers des études d’attribution portent sur des vagues de chaleur, contre seulement 8 % sur des tempêtes, pourtant les événements les plus dévastateurs. Cette différence s’explique par la difficulté des scientifiques à attribuer une tempête au réchauffement climatique. Ainsi, les auteurs n’avaient pas d’étude d’attribution du terrible cyclone Idai, qui a frappé le Mozambique et le Zimbabwe en 2019.

Malgré ces limites, ce type d’étude reste crucial pour orienter la décision publique et prendre en compte l’ensemble des conséquences du réchauffement climatique. Ce sujet est aussi sur la table des négociations internationales. Lors de la 27e conférence des Nations unies sur le climat (COP 27) en novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Egypte, les pays se sont mis d’accord sur le principe de la création d’un fonds pour dédommager les pays victimes du réchauffement climatique. Ce fonds, dit «pertes et dommages», n’a pas été chiffré. Les ONG, se basant sur une étude scientifique de 2018, considèrent que les besoins pourraient atteindre 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030.

Quels moyens seront réellement dégagés pour réparer les dégâts de la catastrophe climatique générée par les activités humaines ? On sait que les pays riches n’ont toujours pas tenu leur promesse de verser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 aux pays pauvres pour les aider à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre et à se protéger des impacts du changement climatique.

Agir est néanmoins possible. Rebecca Newman et Ilan Noy citent en exemple la gestion des vagues de chaleur en France. Celle de 2003 a fait 19 000 morts, contre 1 500 pour celle de 2019, pourtant plus forte par endroits. Et de conclure : «Cela démontre comment une politique d’adaptation bien mise en œuvre peut réduire significativement les coûts des événements extrêmes.»