Menu
Libération
Bilan

Climat : l’humanité est désormais responsable de deux tiers des émissions mondiales de méthane

Les concentrations de ce gaz au pouvoir ultraréchauffant augmentent toujours plus rapidement, souligne une étude publiée mardi. Les climatologues alertent sur la responsabilité des activités humaines et avertissent que cela «ne peut plus durer si nous voulons conserver un climat habitable».
A Corcoué-sur-Logne (Loire-Atlantique), où un projet de méthaniseur XXL doit voir le jour. (Mathieu Thomasset/Hans Lucas.AFP)
par AFP
publié le 10 septembre 2024 à 16h21

Les activités humaines ont émis un record de 400 millions de tonnes de méthane en 2020 et contribuent désormais aux deux tiers des émissions mondiales de méthane, lesquelles ne cessent d’augmenter, selon le bilan mondial annuel de l’organisation Global Carbon Project. Ces chiffres figurent au cœur d’une étude publiée ce mardi 10 septembre dans la revue Environmental Research Letters par une équipe internationale de climatologues. Ce «résultat qui ne peut plus durer si nous voulons conserver un climat habitable», alertent-ils.

Réchauffement de 0,5°C dans les années 2010

Le méthane (CH4), le deuxième gaz à effet de serre le plus important après le dioxyde de carbone (CO2), a contribué à un réchauffement de 0,5°C dans les années 2010 par rapport à la fin des années 1800, soit un réchauffement correspondant à la moitié de celui lié aux émissions de CO2. Il «augmente plus rapidement en termes relatifs que tout autre gaz à effet de serre majeur», pointent les chercheurs. Et sa concentration dans l’atmosphère (le méthane émis moins une partie absorbée par les sols et par des réactions chimiques) a augmenté plus rapidement au cours des cinq dernières années qu’au cours de n’importe quelle période depuis le début de l’enregistrement des données. Son pouvoir de réchauffement est plus de 80 fois plus important sur vingt ans que celui du CO2, mais sa durée de vie est plus courte, ce qui en fait un levier important pour tenter de limiter le réchauffement climatique à court terme.

Près de 40 % du méthane provient de sources naturelles, notamment les zones humides et les milieux aquatiques (lacs, étangs, rivières, réservoirs…). Mais la majorité est liée aux activités humaines comme l’agriculture (élevage des ruminants et culture du riz) et les déchets, ainsi que l’extraction, le transport et l’utilisation de combustibles fossiles. Selon l’étude, presque tous les principaux secteurs d’émissions anthropiques ont augmenté de manière substantielle entre 2000 et 2020.

Un des points nouveaux de l’étude est d’estimer la part liée à la perturbation humaine dans les émissions dites naturelles (marécages, tourbières, lacs, étangs, réservoirs)… «En prenant cela en compte, l’homme contribue actuellement aux deux tiers des émissions totales de méthane à l’échelle planétaire», résume auprès de Libération une des coautrices, Marielle Saunois, chercheuse au laboratoire LSCE-IPSL et professeure à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

Un lent déclin en Europe

«Les émissions anthropiques ont continué d’augmenter dans presque tous les pays du monde, à l’exception de l’Europe et de l’Australie, qui montrent une trajectoire de lent déclin», souligne pour l’AFP Pep Canadell, directeur exécutif du Global Carbon Project et coauteur de l’étude. Les hausses ont été tirées principalement par celles provenant de l’extraction du charbon, de la production et de l’utilisation du pétrole et du gaz, de l’élevage des bœufs et des moutons, ainsi que de la décomposition des aliments et des matières organiques dans les décharges.

Des causes naturelles jouent aussi. «La hausse de 2020, et particulièrement les deux années suivantes, a été causée par une période assez exceptionnelle du phénomène [climatique, naturel et périodique ndlr] La Niña, qui amène des conditions plus humides que la moyenne dans de nombreuses parties du monde, notamment les tropiques», explique Pep Canadell. Alors que La Niña doit faire son retour prochainement, ces conditions favorisent la production naturelle de méthane dans les zones humides, en particulier tropicales, qui représentent la première source naturelle d’émission du gaz. L’année 2020 avait aussi connu un effet paradoxal de la lutte contre le Covid-19, déjà mis en avant dans une étude : la baisse de polluants liés aux transports (NOx) a indirectement freiné l’élimination du méthane dans l’atmosphère.

Quoi qu’il en soit, la trajectoire du méthane apparaît en décalage avec ce que préconisent les experts du climat mandatés par l’ONU (Giec) pour conserver le réchauffement sous 2°C, mais aussi avec les promesses prises par les Etats. Un «engagement mondial» a été lancé en 2021 par l’Union européenne et les Etats-Unis, pour réduire les émissions mondiales de méthane de 30 % d’ici à 2030 par rapport à 2020. Il regroupe aujourd’hui plus de 150 pays mais pas la Chine, l’Inde ou la Russie.

Ces objectifs «semblent aussi lointains qu’une oasis dans le désert, juge Rob Jackson, de l’université de Stanford, auteur principal de l’étude. Nous espérons tous qu’ils ne sont pas un mirage.» Vendredi 6 septembre, l’émissaire américain sur le climat, John Podesta, a annoncé lors d’une visite à Pékin que la Chine et les Etats-Unis préparaient ensemble un sommet sur les gaz polluants hors CO2, incluant notamment le méthane, ouvrant peut-être la voie à de nouveaux engagements. Lui aussi semble persuadé qu’un combat contre ce gaz au pouvoir ultraréchauffant pourrait entraîner de rapide progrès dans la lutte contre la hausse du thermomètre mondiale.