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Décryptage

Coulées de boue dans la Somme : est-il possible de les éviter ?

De violents orages ont touché le département de la Somme, placé en vigilance jaune, mardi 21 mai. La commune de Sailly-Laurette a notamment été concernée par d’intenses coulées de boues. Est-il possible de prévenir un tel phénomène ?
Le 2 mai dernier, une femme de 57 ans trouvait la mort dans une coulée de boue à Courmelles (Aisne). Sa maison avait été éventrée par les torrents. (Remi Wafflart/L'Union de Reims.MAXPPP)
par Léonard Cassette
publié le 22 mai 2024 à 19h01

De violents orages se sont abattus sur la Somme ce mardi 21 mai, où des coulées de boue de plus d’un mètre de haut ont été observées dans les communes de Morlancourt et Sailly-Laurette, selon Le Courrier Picard. Le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du département indique que, dans cette seconde commune, seize véhicules ont été emportés par les eaux et 24 personnes ont dû être évacuées. Une scène impressionnante qui rappelle un précédent épisode survenu quelques semaines plus tôt dans un autre département des Hauts-de-France : le 2 mai dernier, une femme de 57 ans trouvait la mort dans une coulée de boue à Courmelles (Aisne). Sa maison avait été éventrée par les torrents.

Lors de ces deux évènements climatiques extrêmes, les coulées de boues proviennent «majoritairement des champs environnants», explique Edouard Diruy, le chargé de communication du SDIS de la Somme. Est-il seulement possible d’éviter la formation de ces puissants courants d’eau boueux ?

Comment se forme une coulée de boue ?

«Il faut comprendre qu’une coulée de boue résulte de la conjonction de plusieurs facteurs, explique le directeur de la société géologique du Nord Francis Meilliez. À chaque fois, on a affaire à un orage très violent, un gros débit de précipitation sur un espace réduit. C’est toujours très spectaculaire. Pour que la coulée de boue se forme, il faut des terrains peu perméables, où l’eau ne s’infiltre pas et où rien ne peut la ralentir. S’il est couvert d’une terre meuble, elle est emportée facilement par les eaux.»

Si la France n’est pas un territoire particulièrement à risque, «certaines pratiques agricoles peuvent conduire à l’augmentation des ruissellements et des coulées de boue […] conduisant à endommager les enjeux en aval», indique un document du Centre européen de prévention des risques d’inondation (CEPRI). À Courmelles par exemple, la maison éventrée était en bas d’une pente bien marquée, qui avait été cultivée, comme le détaille Francis Meilliez : «en amont, on avait un grand champ labouré avec une terre meuble. L’agriculteur a créé lui-même les rigoles le long de la ligne de pente», facilitant ainsi le phénomène de ruissellement.

Par ailleurs, selon Robert Vautard, co-président du groupe 1 du GIEC et directeur de recherche au CNRS, les épisodes de «pluies d’inondations par ruissellement» seront à l’avenir de plus en plus fréquents avec le réchauffement climatique. «Tout provient de l’augmentation de la température, explique-t-il, il y a plus d’humidité dans l’air, le cycle de l’eau est modifié et les pluies sont plus abondantes». Une des conséquences des phénomènes pluvieux des derniers mois, c’est que «les champs sont saturés en humidité et les pluies intenses ne peuvent plus s’accumuler dans les sols. Elles emportent tout sur leur passage», détaille Robert Vautard.

Peut-on éviter les coulées de boue ?

Remplacer une pâture, par exemple un enclos avec de l’herbe pour chevaux, par un champ labouré est une erreur, soutient Francis Meilliez, en particulier sur les terrains inclinés : «par définition, une pente naturelle est à la limite de l’instabilité. Si le facteur eau intervient dessus, elle contribue à la déstabilisation de l’équilibre. L’érosion des sols est un processus naturel, discret la plupart du temps, sauf en cas de pluies diluviennes».

«Avec l’agriculture intensive et le besoin de terres agricole, on a eu tendance à arracher les haies dans les terrains pentus. Or, il ne faut pas laisser les sols nus, car les racines des haies aident l’eau à s’infiltrer dans la terre», continue le géologue. Une thèse également soutenue par Robert Vautard : «on sait que les forêts permettent de retenir les sols sur des zones pentues. D’une manière générale, plus la végétation est abondante, plus elle permet de retenir la terre».

«On n’arrête pas de répéter aux agriculteurs qu’il ne faut ni labourer, ni ensemencer parallèlement à la pente», poursuit le directeur de la société géologique du Nord, car dans les villages comme Courmelles ou Sailly-Laurette, les plus anciennes habitations ont été construites en bas de la pente et se retrouvent en danger lors de ce genre d’épisodes météorologiques.

L’une des solutions pour prévenir les torrents de boue destructeurs consiste donc à canaliser la rapidité et la puissance de l’eau. Le CEPRI met par exemple en avant l’utilisation «des fossés, des fosses d’arbres, des bandes enherbées…», pour éviter de faciliter le phénomène de ruissellement induit par les activités humaines.