Scientifiques, think tanks et ONG insistaient sur ce point depuis qu’Emmanuel Macron avait annoncé vouloir mettre le paquet sur la planification écologique. Avoir des objectifs sur le long terme pour répondre à la crise environnementale est louable, à condition d’avoir des personnes compétentes pour les atteindre. C’est pourquoi la formation des fonctionnaires est indispensable à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques en matière de climat et de biodiversité.
Le coup d’envoi d’un vaste plan de formation des cadres de la fonction publique a enfin été donné ce mardi, dans le sillage des mesures de sobriété énergétique annoncées la semaine dernière. Objectif : former 25 000 hauts fonctionnaires de l’Etat d’ici à 2024, puis leurs collègues de la fonction publique territoriale (12 000 cadres) et de l’hospitalière (4 000) «d’ici 2025». Cela devrait permettre à la profession d’avoir une base théorique commune sur les enjeux environnementaux, nombreux et complexes, et de saisir l’ampleur de la crise.
Jusque dans les cabinets ministériels
Ce projet constitue la «première brique du plan de sobriété énergétique», a déclaré lundi le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini lors d’une présentation dans les locaux parisiens de l’Institut national du service public (INSP), successeur de l’ENA. Le gouvernement souhaite ainsi créer une armée «de hussards verts» au sein de la fonction publique, a claironné le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Concrètement, 220 directeurs d’administrations centrales suivront dès le 19 octobre des formations de vingt heures, théoriques avec l’appui de scientifiques «de très haut niveau», mais aussi pratiques, via des ateliers portant sur des thèmes comme le calcul de leur bilan carbone ou les actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre…
Les membres des cabinets ministériels seront aussi formés d’ici la fin de l’année et les ministres seront «impliqués», a déclaré Stanislas Guerini, précisant avoir lui-même participé avec ses équipes à des ateliers animés par les associations 2Tonnes et la Fresque du climat, qui seront sollicitées pour les formations à venir. En septembre, la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail 1 du Giec, avait eu trente petites minutes pour exposer au gouvernement les enjeux et solutions liés à la crise climatique.
Les hauts fonctionnaires se rendront aussi sur le terrain pour rencontrer des entreprises et ONG faisant face aux enjeux du réchauffement climatique qui leur présenteront leur façon d’y répondre : une visite en forêt pour en montrer la résilience, par exemple.
«Groupe d’appui scientifique»
Quelque 300 cadres-dirigeants, tels que des préfets et des ambassadeurs seront formés ensuite, à partir de janvier 2023. «La formation est un préalable à l’action», soulignent les ministères de la Transformation et de la fonction publiques et celui de la Transition écologique, qui ont travaillé de concert sur ces modules alliant questions de biodiversité, de climat et de ressources naturelles.
Pour le gouvernement, les formations doivent «irriguer l’ensemble de l’administration publique». Un module complémentaire de huit heures proposera aux fonctionnaires formés un accompagnement pour les «aider à faire leur retour d’expérience» auprès de leurs équipes.
Un «groupe d’appui scientifique» sera par ailleurs piloté par Luc Abbadie, professeur à la Sorbonne, et Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, notamment pour faire évoluer la formation avant de l’élargir aux 25 000 agents suivants. Un appel d’offres sera ensuite lancé pour recruter les prestataires qui animeront les formations, avec un budget estimé «à moins de 10 millions d’euros», a précisé Stanislas Guerini, ajoutant que ce plan s’inscrivait dans le budget existant dédié à la formation des agents publics.
Plusieurs associations et collectifs, dont certaines avaient signé en mai une pétition pour que le gouvernement se forme à la transition écologique, ont toutefois réaffirmé lundi au cours de la présentation du plan la nécessité de disposer de «moyens» pour assurer des formations de «qualité en quantité».
Quant aux futurs fonctionnaires, ils seront également sensibilisés aux questions climatiques dès leur formation initiale. Stanislas Guerini a insisté sur l’importance de cette formation pour augmenter «l’attractivité» des métiers de la fonction publique auprès des jeunes. La ministre de l’Enseignement supérieure, Sylvie Retailleau, a, elle, souligné l’importance de former «tous les étudiants du premier cycle», annonçant la tenue d’un colloque dédié à Bordeaux le 20 octobre.