L’eau est devenue une denrée rare dans le nord de l’Aveyron. Ce territoire de moyenne montagne, au sud du Massif central, voit le niveau de ses nappes chuter depuis deux ans en raison de la sécheresse. Résultat, les 3 500 habitants des communes de Brommat, Lacroix-Barrez, Mur-de-Barrez, Murols, Taussac et Thérondels, jusqu’à présent approvisionnés grâce à un captage dans la rivière Siniq, doivent être alimentés depuis le 18 août par camions-citernes. «Si on ne ravitaille pas ainsi, il y a un risque d’épuisement du cours d’eau, explique Jean Valadier, président de la communauté de communes Aubrac, Carladez et Viadène. Le Siniq est approvisionné par les monts du Cantal : s’il ne neige pas, la nappe ne se régénère pas. Et cet hiver, chez nous, il n’a ni neigé, ni plu.»
A la suite d’une réunion de crise mi-août, les élus locaux et les services de l’Etat (agence de l’eau et agence régionale de santé) ont donc décidé de soulager la rivière, où sont normalement prélevés près de 1 000 mètres cubes chaque jour. Depuis presque un mois, entre deux et cinq véhicules quittent chaque jour Laguiole pour apporter 300 mètres cubes. Coût de l’opération : 1 100 euros par jour et par camion. C’est la deuxième année consécutive que la communauté de communes a recours à cette solution d’urgence.
Le prix de l’eau plus élevé qu’ailleurs
«La brutalité et la longueur de l’épisode de chaleur de l’an dernier nous ont surpris, raconte l’élu. Cette année, on l’était un peu moins. Mais le risque de manque d’eau est anxiogène pour la population, qui n’avait pas l’habitude de devoir faire attention.» La pédagogie a donc été indispensable auprès des habitants qui, contrairement à l’an passé, ont vu tomber d’importantes pluies entre la fin du printemps et le début de l’été. De quoi parer la végétation d’un vert clinquant et de fournir d’excellentes récoltes des fourrages mais pas de quoi réalimenter la nappe durablement. Dès que les précipitations ont cessé, le niveau de la rivière a baissé.
«La difficulté dans ce territoire c’est qu’une seule ressource en eau est captée et son débit se réduit très fortement», analyse Franck Solacroup, directeur de la délégation territoriale de l’agence de l’eau Adour-Garonne, qui finance l’aide d’urgence. Or, avec le réchauffement, cette situation «va se reproduire», précise l’expert. Sans oublier que, comme dans la Lozère et le Cantal voisins, le nord de l’Aveyron est un territoire d’élevage extensif, où, il faut aussi abreuver le bétail. «Des solutions durables doivent être trouvées, abonde Franck Solacroup. Par exemple, en Lozère, dans le Causse Méjean, les eaux pluviales sont récupérées afin de déconnecter les besoins dédiés aux animaux du réseau d’eau potable.»
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Le sujet est d’autant plus complexe dans ces territoires ruraux que le prix de l’eau potable est plus élevé qu’ailleurs : 2,75 euros le mètre cube, soit 50 centimes de plus que la moyenne du bassin Adour-Garonne. En cause, la longueur des tuyaux du réseau dans une vaste région à faible densité de population. «Une réflexion approfondie» sur le meilleur usage de l’eau à l’horizon de trente ans est d’ailleurs en cours dans le département et doit aboutir d’ici fin 2024 : récupération des eaux usées, interconnexion entre les territoires, réparation des fuites, forage. En attendant, les habitants ne vont pas avoir d’autre choix que de limiter leur consommation dans la limite du possible car désormais, comme le résume l’élu Jean Valadier, «chaque goutte compte».