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Vertigineux

Dans les forêts françaises, la mortalité des arbres a doublé en dix ans

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L’Inventaire forestier national mis à jour jeudi 10 octobre fait état d’une mortalité encore accrue ainsi que d’un ralentissement de la croissance des arbres, ce qui affecte un puits de carbone capital.
Dans la forêt d'Haguenau, en Alsace, en décembre 2019. (Abdesslam Mirdass/Libération)
publié le 11 octobre 2024 à 9h45

La santé de la forêt française se dégrade durablement. L’Inventaire forestier national réalisé sur la période 2019-2023, publié ce jeudi 10 octobre fait état d’un «doublement de la mortalité» des arbres dans les forêts françaises en dix ans. Il s’agit d’une «très forte accélération», souligne Stéphanie Wurpillot, de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Cette hécatombe est liée au changement climatique, qui multiplie les sécheresses et températures élevées néfastes pour les arbres, et offre des conditions plus propices aux insectes mangeurs de bois, notamment les scolytes. L’essence la plus affectée par la mortalité en France est l’épicéa commun, suivie par le châtaignier et le frêne.

Des pressions «multiples et croissantes»

En parallèle, la forêt pousse moins vite : la croissance des arbres a ralenti de 4 % en dix ans. «Cela est notamment lié à des conditions climatiques difficiles pour les arbres et propices à divers bio-agresseurs» tels que les champignons, les insectes et les bactéries, explique l’IGN. Le Grand Est est particulièrement affecté par ces problèmes. La mortalité et les coupes, souvent programmées en raison du mauvais état sanitaire des arbres, sont plus importantes que la croissance biologique, ce qui génère une diminution du volume de bois de ces forêts.

L’IGN s’inquiète au final des pressions «multiples et croissantes» qui s’exercent aujourd’hui sur les forêts de l’Hexagone : «Sécheresses, canicules, épidémies ou incendies menacent en effet la bonne vitalité des peuplements, leur renouvellement et plus généralement le maintien des précieux services écosystémiques rendus par les forêts». Elles sont des refuges de biodiversité, bénéfiques pour notre santé physique et mentale, retiennent l’eau et nous permettent de dépolluer l’atmosphère.

L’absorption de CO2 ralentit

Si la surface forestière continue d’augmenter en métropole, l’aspirateur à CO2 qu’est la forêt fonctionne de moins en moins bien. Un point à surveiller de très près car ce puits de carbone est notre allié dans la lutte contre le changement climatique. «Lors de leur croissance, les arbres absorbent le carbone atmosphérique et le stockent dans le bois», rappelle l’IGN. Mais la machine s’enraye. «Depuis quelques années, un ralentissement notable de cette dynamique est constaté, du fait de la multiplication des crises sanitaires combinées à des épisodes de forte sécheresse et de canicule», sans parler des incendies dévastateurs de 2022, note l’IGN. L’an dernier, le gouvernement a fait état d’une absorption de carbone divisée par deux en dix ans.

Le phénomène devrait encore s’aggraver à l’avenir avec l’accentuation du changement climatique. «Dans les scénarios les plus extrêmes, il n’y aura plus de puits de carbone à horizon 2050. Dans d’autres, on continuera à en avoir un, mais moindre qu’aujourd’hui», a précisé Antoine Colin, de l’IGN, qui a participé à une étude prospective sur le sujet. Le gouvernement a mis en place un plan de renouvellement des essences pour une forêt plus adaptée à l’avenir. Reste que réduire drastiquement les émissions de CO2 est la meilleure solution pour épargner la santé de nos forêts.