Inondations, tempêtes, sécheresses… les catastrophes alimentées par le changement climatique ont provoqué 43,1 millions de déplacements d’enfants entre 2016 et 2021. Et ce n’est que «la partie émergée de l’iceberg», alerte l’Unicef, qui a rendu public son rapport jeudi 5 octobre, déplorant le manque d’attention portée à ces victimes «invisibles». «C’est l’équivalent d’environ 20 000 déplacements d’enfants par jour», précise Laura Healy, l’une des auteurs du rapport, selon qui ces mineurs sont alors exposés à de multiples risques allant de la possible séparation de leur famille aux réseaux de trafic d’enfants.
Triste record
Ces données comptent formellement le nombre de déplacements d’enfants et non le nombre d’enfants déplacés, le même enfant pouvant notamment être déplacé plusieurs fois. Elles ne permettent pas de faire la différence entre des évacuations préalables et les déplacements à la suite de l’événement météo. Les chiffres sous-estiment «radicalement» les déplacements liés aux sécheresses, survenant plus lentement et donc plus difficiles à surveiller, et n’incluent pas les migrations.
«le nombre d’enfants déracinés va être beaucoup plus grand»
«C’est seulement la partie émergée de l’iceberg, basée sur les données disponibles. La réalité est qu’avec l’impact du changement climatique et un meilleur suivi des déplacements pour les événements météo plus lents, le nombre d’enfants déracinés va être beaucoup plus grand», insiste Laura Healy. Les statistiques sur les déplacements internes liées aux désastres climatiques ne prennent généralement pas en compte les âges, mais l’Unicef a travaillé notamment avec l’ONG Internal Displacement Monitoring Center pour désagréger les données et faire que les enfants ne soient plus «invisibles».
Le rapport avance des projections très partielles, pour quelques événements spécifiques. Les inondations par exemple uniquement liées au débordement des rivières pourraient provoquer 96 millions de déplacements d’enfants dans les 30 prochaines années. Les vents cycloniques quant à eux 10,3 millions tandis que les submersions marines liées aux tempêtes auraient provoqué 7,2 millions de déplacements. Des chiffres qui n’incluent pas les évacuations préventives.
Analyse
«Pour ceux qui sont obligés de fuir, la peur et les répercussions engendrées par de telles catastrophes peuvent être particulièrement dévastatrices, avec l’inquiétude de savoir s’ils pourront un jour rentrer chez eux, reprendre l’école, ou s’ils seront contraints de partir à nouveau», souligne la patronne de l’Unicef Catherine Russell dans un communiqué. «Le déplacement leur a peut-être sauvé la vie, mais c’est un changement très déstabilisant», ajoute-t-elle. «Nous disposons des outils et des connaissances nécessaires pour répondre à ce défi croissant auquel sont confrontés les enfants, mais nous agissons beaucoup trop lentement».
Vulnérabilité de l’Afrique et des petites îles
L’Unicef appelle les dirigeants de la planète à se pencher sur cette question lors de la COP28 sur le climat à Dubaï dans quelques semaines. Il faut préparer ces enfants, y compris ceux qui sont déjà déracinés, «à vivre dans un monde où le climat a changé», plaide Laura Healy.
Même si les impacts grandissants du changement climatique frappent partout, le rapport pointe du doigt des zones particulièrement vulnérables. Ainsi, les Philippines, l’Inde et la Chine sont les pays les plus touchés en nombre absolu (près 23 millions de déplacements d’enfants en 6 ans), en raison de leur très large population, de leur situation géographique, mais aussi de plans d’évacuation préventifs. Mais en se penchant sur la proportion d’enfants déplacés, l’image met en lumière la vulnérabilité de l’Afrique et des petites îles. La Dominique a ainsi vu 76 % de ses enfants déplacés en 6 ans, Cuba et Saint-Martin plus de 30 %, Vanuatu 25 %, les Philippines 23 %.
L’agence onusienne raconte dans ce rapport publié jeudi le traumatisme de Juana, qui avait 9 ans en 2020 quand la ville où elle vivait au Guatemala a été submergée par les eaux après les ouragans Eta et Iota. Ou l’histoire des jeunes sœurs Mia et Maia qui ont vu leur mobile home détruit par les flammes en Californie. «Nous avons emporté nos affaires sur l’autoroute où nous avons vécu pendant des semaines», décrit pour sa part Abdul Azim, jeune Soudanais dont le village inondé en août 2022 n’était plus accessible que par bateau.