Un événement «hors norme». Jeudi 25 juillet vers 19 heures, un pan entier de montagne s’est déversé dans la vallée de La Rivière (Isère) coupant une départementale sur des centaines de mètres. Sur place, les secours recherchent, ce vendredi 26 juillet, de potentielles victimes. L’ingénieur retraité de Météo France Serge Taboulot, président de l’Institut des risques majeurs, une structure associative située à Grenoble, rappelle à Libération que, dans ces massifs préalpins, les effondrements de falaises sont fréquents. Mais à cet endroit et d’une telle ampleur, c’est «du jamais-vu», assure-t-il.
Etes-vous surpris par cet éboulement ?
Je ne suis pas surpris par le fait qu’une falaise du Vercors s’écroule. C’est presque l’une des caractéristiques de ces massifs préalpins, très karstiques et constitués en majorité de calcaire : la roche, pleine de veines d’eau, de grottes, est friable. Dans les Alpes, il y a régulièrement des éboulements. Sur le mont Granier ou dans la Chartreuse, des bouts s’effondrent dès qu’il y a un orage. En revanche, là, le volume de roches en jeu est d’une ampleur monstrueuse, hors norme. Le fait que cela arrive aussi bas, aussi près de la vallée de l’Isère et que ça coupe cette départementale, c’est du jamais-vu.
Connaît-on les causes de la catastrophe ?
L’enquête le dira dans quelques jours. Des géologues et des géomorphologues, qui commencent à peine à étudier cet éboulement, vont explorer plusieurs hypothèses. Tout d’abord, la zone a potentiellement été fragilisée par un printemps et un début d’été pluvieux. Le calcaire était peut-être plein d’eau, les ciments de la roche «lubrifiés». La reprise des fortes chaleurs ces derniers jours a pu aussi jouer un rôle. Par ailleurs, l’accident s’est produit sur une carrière, exploitée, à un endroit où la montagne est fragilisée. On perce, on met des explosifs, on crée des mouvements de terrain… Enfin, ce coin-là est soumis à des petits séismes, non perceptibles par l’être humain, mais qui peuvent altérer les falaises.
Quand la situation peut-elle redevenir normale ?
Il ne faut pas attendre un retour à la normale sur la route entre Grenoble et Valence avant des semaines, voire des mois. Le temps que les études déterminent les causes de l’éboulement. Ensuite, il va falloir mettre en place un plan de bataille. Parmi les questions qui se posent : comment rétablir la communication, déblayer, dévier les automobilistes, minimiser les risques pour l’avenir ?
Le changement climatique a-t-il joué un rôle dans cet événement ?
Autant on peut relier le changement climatique à la crue ravageuse de la Bérarde, autant je suis circonspect concernant ce cas-là. Un printemps pluvieux, ce n’est pas nouveau dans la région. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’en raison de la variabilité du climat, l’intensité des risques en montagne augmente. Pour éviter de futurs drames, il va falloir mieux comprendre ces catastrophes, sensibiliser davantage les élus et les habitants à l’évolution des risques, à commencer par les «néomontagnards». Mais la prise de conscience a déjà commencé.