La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a finalement tranché en défaveur des «Ecureuils». La juridiction européenne n’enjoindra pas l’Etat français à «l’adoption d’une série de mesures visant à assurer le ravitaillement en eau et en vivres et à assurer la sécurité» des cinq militants écologistes perchés sur les arbres du lieu-dit la Crémade à Saïx (Tarn). Ces derniers, qui protestent contre le projet d’autoroute A69 qui doit relier Toulouse et Castres, se disent «assiégés» par les forces de l’ordre qui leur couperaient eau et vivres depuis le 15 février. Ce que dément catégoriquement la préfecture du Tarn, sollicitée par Libération.
Jugeant «indigne» et «inhumaine» la situation actuelle à la Crem’arbre (nom de la ZAD à Saïx), les avocates des opposants avaient saisi en urgence la Cour sur ce sujet brûlant. «Pour l’instant, au vu des éléments à sa disposition et des circonstances particulières de la situation, elle a décidé de ne pas prononcer de mesures provisoires. C’est décevant mais on pouvait s’y atteindre, réagit auprès de Libération Claire Dujardin, avocate des Ecureuils. Cette requête, assez inédite, nous a tout de même permis d’avoir une réponse du gouvernement et d’alerter sur la situation.»
«Bruits monstres» et «lampes stroboscopiques»
Depuis début novembre, des activistes vivent sur les branches d’arbres situés dans un petit bois de 1 500 mètres carrés sur le tracé de l’autoroute A69 à Saïx pour empêcher leur abattage. Alors que la ZAD commençait à prendre forme, les gendarmes ont tenté, mi-février, de les extraire de force de la zone. D’après le témoignage de militants présents sur place, joints par téléphone, les forces de l’ordre les empêchent depuis lors de se ravitailler en eau et en nourriture et détruisent leur matériel de cordistes. «Au début du siège, chaque nuit, ils faisaient un bruit monstre pour nous empêcher de dormir, en utilisant leur sifflet, en hurlant, en tapant sur de la tôle, raconte Reva, l’un des cinq militants encore dans les arbres. Ils nous mettaient aussi des lampes stroboscopiques dans les yeux. Je les ai suppliés d’arrêter en leur disant que j’étais épileptique mais ils ont continué à m’envoyer des faisceaux lumineux pour me nuire. C’est odieux.»
Interview
Pour mettre en lumière le sort de ses camarades, l’activiste Thomas Brail s’est à nouveau perché dans un platane face au ministère de la Transition écologique, lundi 4 mars. Quelques heures plus tard, lorsque des conseillers des ministères de la Transition écologique et des Transports ont accepté de le recevoir, les avocats des Ecureuils ont été autorisés par le Parquet à accéder au site et à apporter quatre sacs de nourriture à leurs clients. Mercredi 6 mars, Thomas Brail, de retour dans le Tarn, a été autorisé par les forces de l’ordre a déposer quelques sacs de vivres sur le site de la Crémade. D’après les Ecureuils, ce jeudi matin, les gendarmes leur ont fait parvenir l’eau présente dans les sacs mais pas la nourriture et les duvets.
Le rapporteur spécial de l’ONU inquiet
Alerté, le rapporteur spécial de l’ONU pour les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, qui se dit «vivement préoccupé» par la situation, s’était rendu sur place pour enquêter les 22 et 23 février. Dans une déclaration de fin de mission rendue publique le jeudi 29 février, il exhortait les autorités françaises à mettre en place «des mesures immédiates» pour protéger les activistes occupant pacifiquement les arbres dont «l’autorisation sans délai et sans entrave du ravitaillement en nourriture et en eau potable». Les requérants se sont donc appuyés sur le constat du rapporteur spécial de l’ONU pour appuyer cette demande spéciale auprès de la CEDH, explique Claire Dujardin. Mais «le gouvernement a fourni au dossier des éléments qui ne reposent sur aucune base factuelle, avance l’avocate. Cela va prendre le temps nécessaire mais nous finirons par démontrer qu’il y a eu beaucoup d’irrégularités dans ce dossier».
Si la demande initiale des avocats des Ecureuils a été repoussée, «la Cour a posé des questions aux parties en indiquant des délais pour les réponses», précise la CEDH dans un communiqué. Les requérants ont également été informés qu’en cas «de risque imminent d’atteinte irréparable à leurs droits protégés par la Convention», ils pourront déposer une nouvelle requête. De plus, l’instance européenne précise que cette décision «ne préjuge pas de ses décisions ultérieures sur la recevabilité ou sur le fond des affaires en question».
Mise à jour le jeudi 7 mars sur le ravitaillement des Ecureuils