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Libération
Réchauffement climatique

En 2019, les 20 aéroports les plus polluants ont émis autant de CO2 que 58 centrales à charbon

Une nouvelle étude publiée par plusieurs organisations ce jeudi 22 février révèle l’impact de 1 300 aéroports sur le climat et la santé humaine.
A l'aéroport international de Dubaï (Emirats arabes unis), le 22 novembre 2023. (Giuseppe Cacace/AFP)
publié le 22 février 2024 à 17h21

Malgré les promesses du secteur de se repeindre en vert, l’aviation est loin, très loin d’être compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. Le site «Airport Tracker» 2024, premier inventaire mondial des émissions de CO2 et des polluants atmosphériques liés aux vols de passagers et de marchandises, révèle des chiffres à donner le tournis. En 2019, les 20 aéroports les plus polluants du monde ont émis autant de CO2 que 58 centrales à charbon, la plus sale de toutes les énergies. Le pire d’entre eux, Dubaï International, a rejeté à lui seul l’équivalent de cinq de ces usines. Sans oublier que ces aéroports ont aussi largué la même quantité de particules fines et d’oxydes d’azote (des polluants issus de la combustion) que 31 millions de voitures.

Mise à jour ce jeudi 22 février, la plateforme montre l’impact disproportionné d’un petit nombre d’aéroports sur le climat et la santé. Le planisphère parle de lui-même : sur les 1 300 plus grands aéroports mondiaux, qui couvrent 99 % du trafic aérien mondial de passagers, trois zones se démarquent. Sans grande surprise, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie-Pacifique sont teintés de rouge, signe du poids des émissions de CO2 de leurs aéroports.

Bruit et pollution de l’air

Evidemment, plus de 99,9 % des vols sont alimentés par des combustibles fossiles, de quoi engendrer l’émission de plus d’un milliard de tonnes de CO2 chaque année. Soit une empreinte carbone plus de deux fois et demie supérieure à celle de l’économie britannique. Et le constat est sans appel : les émissions du secteur croissent sans discontinuer, hormis lors de la pandémie de Covid-19.

Fruit d’une collaboration entre le groupe de réflexion ODI et des ONG Transport & Environment et International Council on Clean Transportation, le site Airport Tracker est accompagné d’une étude sur les conséquences de l’aviation sur la santé, publiée par le collectif Stay Grounded et l’Union européenne contre les nuisances des aéronefs. Le rapport pointe en particulier les effets délétères du bruit et de la pollution engendrés par les avions.

De fait, les nuisances sonores associées aux avions peuvent entraîner de nombreux problèmes de santé, en particulier pour les personnes résidant à proximité des aéroports, affectés par les décollages et les atterrissages nocturnes. Les plus graves sont les maladies cardiovasculaires, les troubles cognitifs, en particulier chez les enfants, les problèmes de santé mentale comme la dépression, les troubles du sommeil, le diabète et les maladies liées au stress. Chez les travailleurs des aéroports et les riverains, le bruit peut également provoquer des lésions ou une perte de l’ouïe. Pire, malgré l’apparition d’avions moins bruyants, la pollution sonore augmente en raison de l’accroissement du nombre de vols à l’échelle mondiale.

Décès prématurés

La combustion de carburant par les avions libère des polluants qui engendrent une grande mortalité précoce. Ainsi, «selon les dernières estimations, l’ozone et les particules causent à eux seuls environ 74 300 décès prématurés par an dans le monde», note le rapport, qui précise que ces chiffres ne tiennent même pas compte de toutes les émissions des avions. Les particules ultrafines, qui pénètrent profondément dans les poumons et s’introduisent dans la circulation sanguine, causent de graves troubles, comme des maladies cardiovasculaires et respiratoires ainsi que des accidents vasculaires cérébraux. Au niveau mondial, la pollution de l’air est le quatrième facteur de risque pour la santé humaine, tuant 6,7 millions de personnes en 2019.

Les collectifs tiennent également à rappeler l’évidence : l’aviation doit se décarboner, et vite. Alors que le secteur mise sur une forte augmentation de l’offre de carburants aéronautiques durables, très coûteux et peu disponibles, les ONG affirment que ce type de carburant ne représente que 0,1 % de la consommation. «Une décarbonisation efficace nécessiterait que la production passe de quelques centaines de millions de litres aujourd’hui à plus de 400 milliards de litres d’ici à 2050», souligne le rapport, qui appelle à ne pas laisser de côté la question de la croissance du secteur. Et de conclure : «Si les trajectoires de croissance actuelles se poursuivent et que l’adoption de technologies propres ne s’accélère pas, les émissions générées par les aéroports vont exploser, mettant en danger des millions de personnes.»