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Chaos climatique

En 2024, «les conditions météorologiques extrêmes ont atteint de nouveaux sommets»

Dans un rapport annuel publié ce vendredi 27 décembre, des scientifiques spécialistes des événements extrêmes confirment que l’écrasante majorité des catastrophes majeures survenues en 2024 sont liées au changement climatique et qu’elles deviennent de plus en plus destructrices. L’humanité a subi 41 jours supplémentaires de chaleur dangereuse cette année.
Lors d'un feu de forêt, près de Povoa de Montemuro, au Portugal, le 18 septembre 2024. (Susana Vera/REUTERS)
publié le 27 décembre 2024 à 6h00

En 2024, année pressentie comme étant la plus chaude de l’histoire, «les conditions météorologiques extrêmes ont atteint de nouveaux sommets», rapporte le premier bilan annuel publié ce vendredi 27 décembre par le World Weather Attribution (WWA) et l’institut de recherche américain Climate Central. Les scientifiques de ce réseau évaluent le rôle du changement climatique induit par les activités humaines dans les phénomènes climatiques extrêmes. Et ils ont eu de quoi faire au cours des douze derniers mois.

Sur les centaines d’événements extrêmes survenus en 2024, le groupe de scientifiques en a étudié 29 en détail. Résultat : 26 d’entre eux ont été rendus plus intenses et plus fréquents «en raison de notre utilisation continue des combustibles fossiles [gaz, pétrole et charbon, ndlr]», précise Friederike Otto, directrice du WWA et maître de conférences en sciences du climat à l’Imperial College de Londres. Ces catastrophes ont causé au moins 3 700 morts, fait des millions de déplacés, et ont touché de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, précise le rapport.

«La vie est déjà devenue dangereuse»

«Cette année exceptionnelle de conditions météorologiques extrêmes montre à quel point la vie est déjà devenue dangereuse avec un réchauffement de 1,3 °C provoqué par l’homme», soulignent les auteurs de l’étude, tandis que Friederike Otto alerte sur «notre impréparation collective». Le rapport note également que «de nombreux événements extrêmes survenus au début de l’année 2024 ont été influencés par El Niño» mais que «le changement climatique a joué un rôle plus important».

Sur 16 inondations étudiées, 15 ont été amplifiées par le changement climatique. C’est le cas pour les événements qui ont concerné Valence (en Espagne), l’Europe centrale ou encore le Soudan. «Ce résultat reflète les principes physiques fondamentaux du changement climatique : une atmosphère plus chaude a tendance à retenir davantage d’humidité, ce qui entraîne des pluies diluviennes», rappellent les auteurs. Un peu plus tôt dans l’année, Climate Central avait aussi calculé que les onze cyclones de l’année 2024 dans l’Atlantique avaient été renforcés par le changement climatique, à l’instar de l’ouragan Hélène, qui a fait 230 morts fin septembre aux Etats-Unis. «A mesure que la planète se réchauffe, une plus grande proportion des cyclones tropicaux les plus puissants atteint la catégorie 3 ou plus, avec un potentiel de destruction beaucoup plus important. Le réchauffement des océans est le principal facteur d’augmentation de l’intensité des tempêtes», rappelle le rapport.

Un nombre de morts souvent sous-estimé ou sous déclaré

Pour les vagues de chaleur, le constat est aussi limpide : la totalité des canicules qui ont frappé le globe cette année a été influencée par le changement climatique. Par exemple, les chaleurs humides précoces qui ont touché l’Afrique de l’ouest en février ont été rendues dix fois plus probables. «Les vagues de chaleur sont les phénomènes météorologiques extrêmes les plus meurtriers», rappellent les auteurs, qui regrettent que le nombre de morts soit souvent sous-estimé ou sous déclaré. «La plupart de ces décès pourraient être évités, note aussi Friederike Otto. Il est clair que les personnes les plus vulnérables sont touchées de manière disproportionnée par les phénomènes météorologiques extrêmes, car elles ne disposent pas des ressources et des systèmes nécessaires pour se protéger».

Selon les calculs de Climate Central, le monde a connu en moyenne 41 jours supplémentaires de chaleur dangereuse en 2024 en raison du réchauffement d’origine humaine. Les pays qui ont le plus subi cette progression sont surtout des petites îles en développement, où ce nombre a pu atteindre plus de 130 jours à risque. Avec la méthodologie choisie, cette «chaleur dangereuse» est déterminée selon les pays. Les chercheurs ont regardé dans 220 zones différentes quel était le niveau de chaleur au-delà duquel on avait enregistré les 10 % de températures les plus hautes au cours de la période 1991-2020. Ils ont ensuite calculé le nombre de jours supplémentaires où ce seuil a été franchi en 2024 par rapport à un monde sans réchauffement climatique. Le 21 juillet, jour où la planète a battu son record journalier de chaleur (avant d’être détrôné dès le lendemain), 5,3 milliards de personnes (soit plus de la moitié de l’humanité) ont par exemple été exposées à des températures mettant leur santé en danger.

Des conditions propices au développement des feux de forêt

Quant aux sécheresses, elles ont touché tous les continents du globe cette année. L’Amazonie en a fait les frais, ce qui risque de causer une grande mortalité des arbres. Le changement climatique a rendu cette sécheresse historique trente fois plus probable. L’étude rappelle aussi qu’en Sicile, particulièrement touchée en 2024, le changement climatique a augmenté la probabilité d’un tel événement de 50 %. Cela a entraîné un rationnement de l’eau et d’énormes pertes de blé.

Enfin, toutes ces conditions météo chaudes et sèches ont été davantage propices au développement des feux de forêt, particulièrement actifs en 2024 selon le rapport. Ils ont été à nouveau extrêmes au Canada et aux Etats-Unis. Au Chili, 132 personnes ont péri dans les incendies. Dans le Pantanal brésilien les flammes se sont propagées très tôt dans l’année et l’Amazonie brésilienne a connu sa pire saison des feux.

«La résolution numéro un du nouvel an est de s’éloigner plus rapidement des combustibles fossiles si nous voulons éviter des événements de plus en plus extrêmes qui atteignent les limites d’adaptation des sociétés», conclut Friederike Otto. Le rapport recommande également d’améliorer les systèmes d’alerte pour mieux avertir les populations d’un danger imminent, de mieux recenser les morts des canicules «en temps réel» et de renforcer les financements à destination des pays les plus vulnérables pour leur permettre de s’adapter aux dangers futurs.