En résumé :
- La 28e Conférence des Nations unies sur le climat s’est ouverte ce jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis. Pour la première fois, les pays feront le bilan de leurs engagements depuis la signature de l’accord de Paris en 2015, pour tenter de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, voire 2 °C.
- L’un des enjeux du sommet a été concrétisé dès l’ouverture de la COP : la mise en œuvre d’un fonds destiné à compenser les «pertes et dommages» des pays particulièrement vulnérables face aux désastres climatiques et historiquement moins responsables du réchauffement planétaire, a été approuvée par l’ensemble des représentants d’Etats.
- Accusé de conflits d’intérêts, le président de la COP28 - et PDG de la compagnie pétrolière nationale émiratie - Sultan Ahmed al-Jaber sera scruté de près par les ONG, qui dénoncent l’influence des lobbys des énergies fossiles lors de ces conférences pour le climat.
COP28 : des millions de dollars promis aux pays pauvres pour compenser les dégâts climatiques. Le premier jour du sommet de l’ONU à Dubaï ce jeudi 30 novembre a été marqué par la concrétisation du fonds de «pertes et dommages» climatiques subis par les pays vulnérables. Plusieurs Etats ont annoncé l’abonder, mais les sommes restent pour l’instant insuffisantes. Libération fait le récap.
Bon départ
A la COP alternative, «sortir du débat théorique et rentrer dans l’écologie pragmatique». Sur le parking humide du port de plaisance de Bordeaux, on croise Bruno, 52 ans, en route pour la COP alternative des scientifiques en rébellion. «Je vis sur le bassin d’Arcachon, on est en lutte locale contre les élus locaux qui ne respectent pas la loi littorale depuis 10 ans», explique-t-il. Il vient «prendre des contacts de scientifiques et de journalistes» en vue d’organiser des conférences citoyennes sur son territoire. «On veut sortir du débat théorique et rentrer dans l’écologie pragmatique», explique ce militant. Scénographe à la ville, les formes artistiques d’engagement au programme l’intéressent aussi. De notre envoyé spécial à Bordeaux, Olivier Monod.
437 nouveaux projets pétroliers et gaziers : quels sont les pays moteurs des énergies fossiles en 2023 ? Des centaines de projets ont été officiellement approuvés dans le monde en 2022 et 2023 en dépit des appels à y renoncer afin de limiter le réchauffement de la planète. Libération fait le point.
Analyse
L’Union européenne s’engage à verser 245,39 millions de dollars au fonds «pertes et dommages». Une somme bien maigre pour cette organisation comptant 27 Etats et dont la responsabilité dans le réchauffement climatique n’est plus à prouver. L’Union européenne a promis de débourser 245,39 millions de dollars (225 millions d’euros) pour venir en aide aux pays vulnérables face au réchauffement climatique, dont 100 millions de dollars annoncés par l’Allemagne plus tôt. Pour rappel, les besoins des pays pauvres sont estimés à 580 milliards de dollars par an.
A la COP alternative bordelaise, on vient pour se compter. Ils sont une trentaine, déjà installés sur les fauteuils en plastiques froid de la COP alternative des Scientifiques en rébellion à Bordeaux. Myriam, 26 ans, «en thèse sur la météo» est venue de Paris. Elle attend surtout le procès fictif de Total prévu vendredi après midi. Jessica, 36 ans, a fait 35 minutes de train alors qu’elle ne peut pas rester longtemps, «pour marquer ma solidarité». L’affluence, Antoine, 57 ans, y sera sensible. Il veut «voir si une émergence d’alternatives est possible». Il vient aussi pour «être en prise directe avec les scientifiques». Aujourd’hui, les débats porteront sur les COP. Justement Yvette, 71 ans et Antoine, 83 ans, sont «venus écouter des gens qui réfléchissent à comment faire autrement». Anciens lecteurs du journal engagé La gueule ouverte et participants aux manifestations antinucléaires des années 70, ils cherchent un nouveau mode d’action. «Je n’ai plus les jambes pour rejoindre XR. On est membre d’une AMAP, mais bon», souffle Antoine. Face à l’urgence climatique, chacun cherche son mode d’action. De notre envoyé spécial à Bordeaux, Olivier Monod.
L’Arabie Saoudite aurait obstrué les efforts intergouvernementaux dans la lutte contre le changement climatique. Un nouveau rapport du Climate Social Science Network a mis en lumière le rôle de l’Arabie saoudite dans l’obstruction des négociations sur le climat au cours des dernières décennies. Les auteurs de cet article ont constaté que ce pays riche en ressources fossiles a passé des années à nuire à la science du climat, en promouvant par exemple le captage et le stockage du carbone. Ces technologies n’en sont pourtant qu’à leurs débuts et sont jugées peu efficaces par les experts du climat. Les pays pétroliers, eux, misent tout sur ces solutions faussement miraculeuses, qui leur permettent de continuer à extraire toujours plus de combustibles fossiles.
Pour aller plus loin
Ouverture de la COP alternative en France. Dans le grand hangar de la base sous-marine de Bordeaux, Romain Grard, organisateur de la COP alternative des scientifiques en rébellion est «à fond». C’est l’ouverture et le public arrive au compte-goutte. «On est en semaine donc on sait qu’on aura moins de monde que samedi. Mais cela nous tenait à cœur de faire un évènement sur quatre jours. On espère au moins cent personnes aujourd’hui», nous glisse-t-il. Au-delà de 600, il devra refuser du monde. Le jeune homme garde un œil sur la COP28 à Dubaï. «L’accord sur les pertes et dommages est important. Mais on ne peut pas leur laisser imposer leur narratif. On est là pour dire que ce n’est pas assez», nous lance-t-il avant de filer répondre à un autre interview et s’assurer de l’arrivée des invités. De notre envoyé spécial à Bordeaux, Olivier Monod.
Décryptage
En images : sous la chaleur du pays du Proche-Orient, les visiteurs de la COP28 rechargent leurs gourdes en eau.
L’Iran ne participera pas à la COP28 à cause de la présence du président israélien. Le climat n’est pas épargné par le conflit au Proche-Orient. Le président iranien, Ebrahim Raisi, ne participera pas au sommet des Nations unies sur le climat se déroulant à Dubaï. Selon les médias d’Etat iraniens, la raison se résumerait en la présence du président israélien, Isaac Herzog, à la COP28. Dans la guerre entre le Hamas et Israël, l’Iran soutient le mouvement islamiste. Sécheresse, inondations, canicule... L’Iran fait pourtant partie des pays particulièrement vulnérables au changement climatique.
Les Îles Marshall réclament des contributions significatives pour le fonds «pertes et dommages». Cette nation insulaire du Pacifique, directement menacée par la montée des eaux sous l’effet du réchauffement climatique, exhortent les pays riches à contribuer de manière significative au fonds «pertes et dommages». «Nous devons quitter la COP28 avec un fonds qui est viable et qui dispose de fonds réels et significatifs», a déclaré l’envoyée spéciale pour le climat des Îles Marshall, Tina Stege, dans une interview au Washington Post ce jeudi. «Cela montrerait que nous sommes dans le même bateau. Cela montrerait que ceux qui ont fait le plus dans cette crise du réchauffement climatique sont prêts à aider ceux qui ont fait le moins et qui sont les plus touchés». Les 58 petits Etats insulaires en développement (PEID) ne représentent que 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
L’année 2023 sera la deuxième plus chaude jamais enregistrée en France. La réalité coïncide tristement aux tendances climatiques inlassablement répétées par les scientifiques. Après une vague de chaleur tardive en août et un automne de tous les records, l’année 2023 devrait être la deuxième plus chaude mesurée en France, juste derrière 2022. Notre bulletin climatique.
A lire aussi
Le pape appelle la COP à ne pas céder aux «intérêts de quelques pays ou entreprises». Le pape, privé de COP28 à cause d’une bronchite, a tout de même tenu à mettre en garde les nations réunies ce jeudi à Dubaï. «Espérons que ceux qui interviendront à la #COP28 soient des stratèges capables de penser au bien commun et à l’avenir de leurs enfants plutôt qu’aux intérêts de circonstance de quelques pays ou entreprises», a-t-il écrit sur X (ex-Twitter). Cette année, le grand raout international sur le climat se déroulant dans un pétromonarchie, les inquiétudes quant à de potentiels intérêts pour les géants des énergies fossiles sont palpables.
May participants in #COP28 be strategists who focus on the common good and the future of their children, rather than the vested interests of certain countries or businesses. May they demonstrate the nobility of politics and not its shame.
— Pope Francis (@Pontifex) November 30, 2023
72 % des Français ne font pas confiance aux dirigeants du monde pour résoudre la crise climatique. Un sondage YouGov pour le Huffpost met en lumière toute la défiance des Français envers les politiques climatiques, tandis que la COP28 s’est ouverte ce jeudi à Dubaï. Dans le détail, 72 % des personnes interrogées disent ne pas faire confiance aux gouvernements de France et d’ailleurs pour agir contre les bouleversements climatiques. Les chiffres ne sont guère plus cléments avec Emmanuel Macron : 71 % des interrogés ne croient pas non plus en lui. Les plus méfiants à l’égard du chef de l’État sont les électeurs proches du Rassemblement national (84 % de réponses négatives), puis des partis de gauche (78 %). Les électeurs d’Emmanuel Macron, eux, sont 63 % à se dire confiants.
Emmanuel Macron en route pour la COP28. Le Président français s’est envolé ce jeudi pour la COP28 à Dubaï, où il doit prendre la parole lors des traditionnels discours des chefs d’Etat samedi 2 décembre. Emmanuel Macron doit par ailleurs porter une initiative pour pousser les pays émergents à abandonner au plus vite le charbon, désigné par Paris comme l’ennemi numéro un dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. L’idée française est d’accompagner ces pays dans leur «transition juste», en augmentant massivement les investissements dans les énergies propres, que ce soit du renouvelable ou du nucléaire, mais aussi en facilitant la conversion des centrales à charbon existantes. En marge de la COP28, il devrait également avec des entretiens avec plusieurs dirigeants de la région en lien avec le conflit au Proche-Orient.
Les pays riches s’acquittent les uns après les autres de leur dette climatique. L’annonce de la mise en œuvre du fonds «pertes et dommages» a été suivi par un élan de générosité de la part des pays du Nord, responsables du changement climatique et des conséquences qui s’abattent sur les pays pauvres. Les Etats-Unis mettent la main à la pâte avec un apport de 17,5 millions de dollars (16 millions d’euros) dans le fonds «pertes et dommages». Du côté du Japon, c’est 10 millions de dollars (9 millions d’euros) qui seront versé au fonds. Une goutte d’eau tant les besoins en argent sont criants : les dommages irréversibles causés par les tempêtes, inondations, sécheresses, canicules ou montée du niveau de l’océan pourraient atteindre 580 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour les pays vulnérables. La dette des pays du Nord envers les pays du Sud est loin d’être remboursée.
L’Afghanistan déplore de ne pas avoir été invité à la COP28. Les autorités talibanes ont regretté que l’Afghanistan, pays très affecté par le changement climatique, n’ait pas été invité à la conférence sur le climat qui s’est ouverte ce jeudi à Dubaï. Et pour cause : l’Emirat islamique mis en place par les talibans depuis leur reconquête du pays en août 2021 n’a été reconnu par aucun gouvernement à ce jour. Selon l’Agence nationale de protection de l’environnement du pays, «l’Afghanistan ne contribue qu’à hauteur de 0,08% des émissions mondiales de gaz à effet de serre», peut-on lire dans le communiqué, «mais est l’un des pays les plus exposés à l’impact délétère des changements climatiques». D’après la mission de l’ONU en Afghanistan (Unama), «l’Afghanistan est l’un des 10 pays les plus à risque d’une crise climatique» et le moins préparé à s’adapter aux changements climatiques.
Pour aller plus loin
Les Emirats arabes unis s’engagent à verser près de 100 millions d’euros dans le fonds «pertes et dommages». Immédiatement après l’annonce de la concrétisation du fonds «pertes et dommages», le pays hôte de la COP28 a sauté sur l’occasion et a annoncé le versement de 100 millions de dollars (environ 92 millions d’euros) pour venir en aide aux pays pauvres. Quelques minutes de plus ont suffi pour que de nouveaux fonds ne commencent à arriver : l’Allemagne s’est également engagé à débourser 100 millions de dollars, tandis que le Royaume-Uni s’acquittera de 60 millions de livres sterling (soit 70 millions d’euros). Ces engagements se font sur la base du volontariat, les pays développés étant «invités» à y contribuer, sans obligation aucune.
La mise en œuvre du fonds «pertes et dommages» se concrétise enfin. Une ovation dans la salle et une avancée pour la justice climatique. Les pays participant à la COP28 à Dubaï ont formellement approuvé dès le premier jour la mise en œuvre du fonds destiné à financer les «pertes et dommages» climatiques des pays vulnérables. L’enjeu de ce projet de fonds est de soutenir financièrement les pays pauvres, frappés de plein fouet par un réchauffement climatique dont ils sont pourtant peu responsables. Cette décision historique concrétise le principal résultat de la COP27 en Egypte l’an dernier, où ce fonds avait été approuvé sur le principe mais dont les contours n’avaient pas encore été définis.
Second major win for COP28 with the adoption of the L&D finance decision proposed by the transitional committee - standing ovation ensues. pic.twitter.com/5OjmrjDySl
— Lola Vallejo (@vallejolola) November 30, 2023
La COP28 se tient à Dubaï, une ville réputée pour sa démesure.
Un délégué russe et l’émissaire américain pour le climat, John Kerry, s’échangent des propos incisifs. Entre deux guerres majeures qui traversent le monde, le climat devient aussi un enjeu géopolitique. Lors de la cérémonie d’ouverture de la COP28, un délégué russe a exigé la parole afin de s’opposer à deux organisations américaines accréditées à la conférence sur le climat, l’Open Society Foundations, fondée par George Soros, et le National Democratic Institute. «Il est de notoriété publique qu’elles s’ingèrent dans les affaires intérieures d’États souverains », a-t-il affirmé, indiquant que leur inclusion «vise à politiser le processus climatique et nuira aux négociations». John Kerry lui a répondu, et s’est dit «préoccupé» par ces accusations infondées portées contre ces ONG.