Deux jours après le début de l’incendie qui a ravagé plus de 16 000 hectares dans le département, les pompiers ont réussi jeudi, non sans mal, à contenir les flammes. Mais sur place, viticulteurs et habitants s’inquiètent de potentielles reprises. Lire notre reportage.

Le gigantesque incendie qui s’est déclaré mardi 5 août dans le département du sud-ouest a marqué les esprits par la vitesse à laquelle il se déploie, engloutissant près de 1 000 hectares de végétation par heure. La faute à une conjonction de facteurs. Lire notre article.

Le sous-préfet de l’Aude, Rémi Recio, a déclaré sur BFMTV que le feu est encore «actif» mais qu’il est désormais «en voie de canalisation». Selon les autorités, les secours sont actuellement dans la «phase de stabilisation, la phase préalable à la phase de fixation» de l’incendie.

À quelques semaines des vendanges, 80 % des vignes de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, Tournissan et Coustouge ont été touchées par le gigantesque feu qui a ravagé les Corbières, laissant des vignerons dépités et inquiets pour leur avenir. Fabien Vergnes, 52 ans et 3e génération de viticulteur, constate les dégâts. «Si on n’est pas aidés, on ne se relèvera pas. On perd gros. C’est un désespoir complet. Ça m’écœure, cette vigne, toutes ces années de travail, c’est parti en fumée en une heure», confie ce propriétaire de 20 hectares à Tournissan. Le préfet de l’Aude Christian Pouget a évalué «de 800 à 900 hectares» les vignobles perdus dans le périmètre du feu. Le raisin épargné par les flammes risque d’avoir un goût fumé. «Ce n’est pas sûr qu’on puisse le vignifier», redoute un professionnel. Face à la catastrophe, François Bayrou a évoqué mercredi «un plan de sauvegarde et d’avenir», après avoir écouté élus et habitants de ce village, la plupart liés à l’économie du vin.

Avec 16 000 hectares partis en fumée en moins de vingt-quatre heures, l’incendie qui continue de ravager le massif des Corbières, dans l’Aude, a déjà brûlé une surface record. Il s’agit de la plus grande superficie détruite, à partir d’un seul et même foyer, depuis que les relevés se sont systématisés en 1973. C’est même le plus important incendie depuis «le feu du siècle» de 1949, dont l’étendue avait à l’époque été estimée à 50 000 hectares. Comment alors définir ce feu d’une ampleur historique ? Remplit-il les critères pour parler de «grand feu», de «feu exceptionnel», voire de «mégafeu» ? Lisez l’article de CheckNews.

Selon le prévisionniste François Jobard la vague de chaleur qui va démarrer demain, la deuxième de l’été 2025, sera «la 51ᵉ vague de chaleur recensée par Météo France depuis 1947». Celui-ci évoque «un épisode qui va surtout concerner dans un premier temps les régions sud et qui sera assez durable».

Six départements de la moitié sud du pays vont s’ajouter aux 5 déjà placés en vigilance orange «canicule» pour la journée de vendredi, qui marquera le début de la deuxième vague de chaleur en France cet été, a annoncé Météo-France. La liste des départements en orange «va être complétée» par «six autres départements qui sont le Lot, l’Aveyron, la Loire, l’Isère, la Drôme et l’Ardèche», portant à onze le nombre de départements touchés, a annoncé lors d’une conférence de presse Olivier Caumont, permanencier de prévision pour l’établissement public.

Le gouvernement français dispose d’une base de données sur les incendies de forêt (BDIFF) qui date de janvier 1973. Jusqu’en 2006, la France enregistrait les feux uniquement pour les 15 départements du pourtour méditerranéen. Cependant, seul un incendie qui «démarre en forêt ou qui se propage en forêt ou au sein de terres boisées au cours de son évolution» figure dans la base. De son côté, l’observatoire européen Copernicus fournit une estimation des surfaces brûlées en quasi-temps réel, en s’appuyant sur des données satellitaires. Ces données ne font pas de différence entre les origines des feux. A noter : souvent, les grands feux sont en fait des additions de plusieurs incendies. Mais celui de l’Aude est bel et bien un incendie avec un seul foyer.

Plus de peur que de mal. Ce jeudi matin, trois personnes étaient toujours portées disparues. La préfecture de l’Aude a confirmé en fin de matinée qu’elles avaient finalement été retrouvées par leurs proches qui étaient sans nouvelles et qu’elles sont toutes les trois en bonne santé.

C’est un dispositif a vu le jour il y a plus de vingt ans, en 2001. Le mécanisme européen de protection civile (MEPC) regroupe l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et dix autres pays comme l’Albanie, l’Islande ou l’Ukraine. Lorsqu’un pays connaît une catastrophe (épidémie, guerre, inondation, feux de forêt…) et que ses capacités de réponse sont dépassées, il peut faire appel au MEPC auprès de la Commission européenne. Les pays participants peuvent ensuite répondre favorablement ou non à l’appel, en envoyant des équipes de terrain ou du matériel. Une fois l’aide acceptée, la Commission européenne coordonne l’acheminement et le déploiement des ressources proposées, en lien avec les autorités nationales. Pour l’heure, la France ne l’a pas activé. Ce mercredi matin sur BFMTV, le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, François-Noël Buffet, expliquait que la France considérait pour l’instant pouvoir agir avec ses propres moyens face aux flammes.

Invité ce matin sur France inter, Christophe Chantepy, expert en Défense des forêts contre les incendies pour l’Office national des forêts, expliquait l’importance du vent dans le feu qui s’est déclenché à Ribaute : «Le vent est un facteur très défavorable dans la propagation du feu. En couchant les flammes, il les rapproche du végétal, ce qui va donc l’enflammer beaucoup plus vite. Mais il provoque en plus des sautes de feu avec des brandons incandescents qui montent dans la colonne de fumée puis qui viennent retomber à l’avant du feu et qui en accélère sa propagation.» Si l’évolution du feu a largement ralenti ces dernières heures, c’est justement parce que la tramontane (le vent sec qui souffle depuis les reliefs pyrénéens) est «retombée». Mais il suffit d’un inversement du vent pour que le feu reparte aussi vite dans l’autre sens, explique l’expert.

«Incendie d’une ampleur exceptionnelle», «d’une rare intensité», «le plus important de l’été»… Les superlatifs ne manquent pas pour définir le feu qui ravage le massif des Corbières. Commencé le 5 août vers 16 h 15 sur la commune de Ribaute, le feu a englouti en moins de vingt-quatre heures plus de 16 000 hectares de végétation (une fois et demie la taille de Paris). On peut effectivement parler d’incendie «exceptionnel», puisqu’il a franchi le seuil symbolique de 10 000 hectares au-delà duquel les pompiers emploient ce qualificatif. C’est ainsi la plus grande superficie détruite – en un seul feu – depuis le début des relevés en 1973. Et même depuis 1949. Même si la systématisation des relevés ne date que de 1973, on dispose, pour les décennies précédentes, d’estimations des surfaces brûlées. De quoi établir un «classement» à partir du milieu du siècle dernier, sans tenir compte uniquement des feux isolés comme celui de l’Aude, mais en l’élargissant aux zones qui ont été en proie à des vagues d’incendies concentrés sur quelques jours ou quelques semaines. Pour en savoir plus, lisez notre CheckNews.

C’est le nom du dieu grec du feu, de la forge et de la métallurgie. C’est aussi celui d’une des missions permanentes de l’armée de Terre. Dans l’Aude, les militaires de l’opération Héphaïstos sont venus renforcer l’action des centaines de sapeurs-pompiers mobilisés. Au total, «plus de 200 sapeurs-sauveteurs des 1er, 4e et 7e Régiments d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de l’armée de Terre sont déployés», a annoncé mercredi soir Sébastien Lecornu sur X. Créée en 1984, cette opération Héphaïstos concentre ses efforts sur la période de fin juin à début septembre, rappelle Le Parisien et est coordonnée par l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Brignoles, dans le Var.

«Quand j’ai vu les flammes, j’ai mis ma femme et ma fille de 12 ans dans la voiture. J’ai pensé pouvoir faire quelque chose avec un tuyau d’eau, mais la réalité c’est que tu ne peux rien faire.» Vincent était mardi dans sa maison de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse lorsqu’il a vu le feu arriver dans sa direction, depuis le champ voisin. «Il était à 50 mètres, retrace-t-il. Le temps de me retourner, ma haie de cyprès brûlait.» Ce jeudi matin, les pompiers «travaillent sur [sa] maison avec une caméra thermique. Les combles brûlent encore». Ils y arrachent l’isolant que Vincent avait pris soin de refaire : «Ça faisait 5 ans que j’habitais là et que retapais la maison. Aujourd’hui elle tient encore debout mais elle est morte.» La chambre de sa fille, le salon, son jardin, tout est «ruiné». «Dans la voiture, maintenant, il faut prévoir plus que la trousse de secours. Il faut des bouteilles d’eau, des couvertures», souligne le quadra, imaginant que les feux géants seront de plus en plus fréquents dans les années à venir.

À Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, une équipe des services techniques de la mairie s’affaire dans un quartier ravagé par les flammes. Devant une maison entièrement calcinée, et dont certains morceaux de charpente fument encore, ils tentent de couper une arrivée d’eau, armés de pinces multiprises. «Toutes les maisons qui on brûlé ont des fuites partout, explique un des agents. On essaie de les éviter pour que la population puisse avoir accès à l’eau.» Si les habitants ont aujourd’hui accès à l’eau, d’après le maire de la commune Xavier de Volontat, la veille, les besoins des pompiers étaient tels que le réseau n’avait pas tenu le choc.

Les conditions météo de ce jeudi «sont plutôt favorables en ce début de matinée», expliquent les pompiers de l’Aude, et ils comptent bien en profiter. Car de nouvelles rafales de vent sont attendues vers 11 heures, pouvant atteindre les 40 km/h, ce qui risque de raviver les flammes. «Notre stratégie c’est de taper vite et fort avant que ce vent ne se relève», expliquent encore les hommes du feu. Une nouvelle fois, les moyens aériens seront mobilisés «toute la journée», pour traiter le feu toujours actif sur divers secteurs. Sa progression qui était auparavant «de 1 000 hectares à l’heure diminue d’intensité», assure à l’AFP Rémi Recio, le sous-préfet de Narbonne.