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Cataclysme

En vingt ans, le rythme du réchauffement des océans a presque doublé

La biodiversitédossier
Un rapport de l’observatoire européen Copernicus publié ce lundi 30 septembre met en évidence la surchauffe des mers du monde. Un constat aux conséquences dévastatrices pour la biodiversité et le climat terrestre.
Au large de la Loire-Atlantique. (Jacques Loic/Photononstop.Getty Images)
publié le 30 septembre 2024 à 15h19

Les experts s’en doutaient, c’est désormais officiel : le rythme de réchauffement des océans a presque doublé depuis 2005, selon un rapport du «Copernicus Marine Service», du programme européen d’observation de la Terre Copernicus, publié ce lundi 30 septembre. Le document atteste également que plus d’un cinquième de la surface océanique mondiale a connu une vague de chaleur sévère en 2023. Ces travaux viennent consolider les rapports du Giec. En 2019, ces spécialistes du climat mandatés par l’ONU estimaient «probable» que le rythme de réchauffement des océans ait «plus que doublé depuis 1993». Un cataclysme qui engendre des phénomènes météorologiques extrêmes et qui consume la biodiversité marine.

«Le réchauffement de l’océan peut être considéré comme notre sentinelle du réchauffement climatique. Il n’a cessé d’augmenter depuis les années 60», a souligné au cours d’une visioconférence Karina von Schuckmann, océanographe chez Mercator Ocean International, en présentant le 8e rapport sur l’état des océans de Copernicus. D’après ces recherches, les océans se réchauffent de 1,05 watt par m² depuis 2005, contre 0,58 watt par m² dans les décennies précédentes.

Absorption de 90% de l’excès de chaleur

Ce réchauffement est lié à un phénomène bien connu : les océans absorbent la chaleur émise par les activités humaines. Ainsi, depuis 1970, les mers du monde ont absorbé «plus de 90% de l’excès de chaleur du système climatique», provoqué par les émissions massives de gaz à effet de serre par l’humanité, explique le Giec. Les océans, qui recouvrent 70% de la surface du globe, sont un régulateur majeur du climat terrestre. Des eaux plus chaudes entraînent des ouragans et des tempêtes plus violentes, avec leur cortège de destructions et d’inondations.

Ce réchauffement s’accompagne également d’une multiplication des canicules marines. Ainsi, 22% des océans ont connu au moins une vague de chaleur sévère ou extrême en 2023. Plus étendues géographiquement, ces vagues de chaleur marines ont aussi tendance à devenir plus intenses et plus longues, avec une durée maximale annuelle moyenne qui a doublé depuis 2008, passant de vingt à quarante jours.

Dans le nord-est de la mer de Barents (nord de la Norvège) 0par exemple, «le fond [de la mer] semble être entré dans un état de vague de chaleur marine permanente», selon une étude citée par Karina von Schuckmann. Et en août 2022, une température record de 29,2°C a été relevée dans les eaux côtières des îles Baléares, «la plus forte température régionale des eaux de surface en quarante ans», pointe aussi le rapport.

Limite planétaire

La même année, une vague de chaleur marine dans la mer Méditerranée a pénétré environ 1 500 mètres sous la surface, illustrant comment la chaleur peut se propager sur toute la colonne d’eau. Les épisodes de canicule marine peuvent entraîner des migrations et des épisodes de mortalité massive d’espèces, dégrader les écosystèmes, mais aussi réduire la capacité des couches océaniques à se mélanger entre le fond et la surface, entravant ainsi la distribution des nutriments. Elles peuvent également «avoir des implications sur la productivité des poissons», impactant la pêche, a souligné Karina von Schuckmann.

Le rapport note aussi que l’acidité des océans, qui absorbent un quart du CO2 émis par les activités humaines, a augmenté de 30% depuis 1985. Au-dessus d’un certain seuil, l’acidité de l’eau de mer devient corrosive pour les squelettes et coquilles des coraux, moules, huîtres, etc. Ce seuil, considéré comme une «limite planétaire», devrait être franchi «dans un avenir proche», selon un rapport publié la semaine dernière par le Postdam Institute for Climate Impact Research.