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Libération
Monde d'avant après

Les émissions de CO2 à nouveau proches de leurs niveaux records d’avant Covid

En pleine COP26, une étude des scientifiques du Global Carbon Project montre que les émissions du principal gaz à effet de serre remontent fortement cette année, à cause notamment de la consommation de charbon et de gaz.
De la fumée et de la vapeur s'élèvent d'une usine de traitement du charbon à Hejin, dans la province du Shanxi au centre de la Chine, le 28 novembre 2019. (Olivia Zhang/AP)
publié le 4 novembre 2021 à 7h45

La crise du Covid n’aura été qu’une parenthèse pour le climat. Malgré les promesses de plans de relance «verts», les émissions mondiales de CO2, principal gaz à effet de serre, sont reparties de plus belle, laissant de moins en moins de temps pour contrer le réchauffement climatique, alerte une étude publiée ce jeudi.

La pandémie avait mis à l’arrêt une bonne partie du monde et de son économie très dépendante des énergies fossiles, entraînant une chute spectaculaire de 5,4 % des émissions totales en 2020. Mais en 2021, elles devraient rebondir de 4,9 %, plafonnant à moins de 1 % du record absolu de 2019, selon cette étude du Global Carbon Project, publiée à l’occasion de la COP26.

Certes, les émissions dues au pétrole, projetées en augmentation de 4,4 % pour 2021, ne rattrapent pas leur niveau de 2019, mais les auteurs soulignent que le secteur des transports n’a pas encore recouvré ses niveaux d’avant-crise et que le rebond risque donc de s’accélérer. Surtout, la reprise se fait avec les énergies fossiles : les émissions dues au charbon devraient ainsi dépasser leur niveau de 2019 – bien que sous leur record absolu de 2014 –, et celles dues au gaz atteindre leur plus haut niveau historique.

Aucun changement de fond

Car la chute liée au Covid «n’a jamais été le fruit d’un changement structurel. Mettre sa voiture [temporairement] au garage ou changer pour une voiture électrique, ce n’est pas la même chose». Et en l’absence de ces changements de fonds, «le rebond a été encore plus fort que je ne pensais», abonde Glen Peters, du Centre international de recherche sur le climat, autre auteur de l’étude. En l’état actuel, «nous pourrions nous attendre à voir les émissions croître de nouveau», explique-t-il à l’AFP, alors qu’avant la pandémie, les scientifiques espéraient que 2019 puisse marquer un pic d’émissions.

La répartition géographique des émissions illustre ces craintes. L’an dernier, les émissions chinoises avaient crû de +1,4 % en 2020, alors que celles des Etats-Unis, deuxième émetteur mondial, chutaient de 10,6 %, celles de l’Union européenne, troisième émetteur, de 10,9 % et de l’Inde, quatrième, de 7,3 %. Pour cette année, les projections prévoient des augmentations de 4 % pour la Chine, 7,6 % pour les Etats-Unis et l’UE et 12,6 % pour l’Inde.

Le temps presse, comme le montre la recrudescence de catastrophes climatiques en tout genre – inondations, sécheresses, méga-feux – avec leur cortège de victimes, populations déplacées ou menacées de famine. L’étude constitue donc un «rappel à la réalité de ce qui se passe dans le monde pendant que nous discutons à Glasgow [pour la COP26] de la façon de combattre le changement climatique», souligne pour l’AFP la climatologue Corinne Le Quéré, coautrice de l’étude.

Selon ces chercheurs du Global Carbon Project, les «budgets carbone» (soit la quantité de CO2 pouvant être émise pour un résultat donné) restants pour ne pas dépasser les objectifs de l’accord de Paris, soit un réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle nettement sous +2 °C, et si possible à +1,5 °C, s’amenuisent dangereusement, alors que le niveau atteint actuellement est évalué entre +1,1° et +1,2°.

Au rythme de 2021, pour avoir 50 % de chances de tenir +1,5 °C, il reste huit ans d’émissions, vingt ans pour limiter le réchauffement à +1,7 °C et trente-deux ans à +2 °C. Si on espère augmenter les chances à 66 %, la durée baisse encore : huit ans pour 1,5 °C, seize à +1,7 °C et vingt-sept à +2 °C.

Avec une lueur d’espoir. Sur la décennie 2010/2019, les auteurs de l’étude ont identifié 23 pays, représentant environ le quart des émissions mondiales de CO2, où les émissions ont substantiellement baissé, alors que l’économie a été en croissance. Pour une bonne moitié des pays très développés, qui ont donc les moyens, et les réglementations, pour s’attaquer au problème.