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Libération
Justice climatique

Etats-Unis : deux climatosceptiques condamnés à un million de dollars pour avoir diffamé le chercheur Michael E. Mann

En 2012, deux auteurs d’extrême droite avaient dénigré les travaux du célèbre climatologue Michael E. Mann. Une victoire pour la science du climat, devenue la cible préférée du complotisme.
Michael E. Mann est un célèbre climatologue américain. (Jessica Hromas/Guardian. Eyevine. Bureau233)
publié le 12 février 2024 à 14h46

«C’est une grande victoire pour la vérité et les scientifiques». Le célèbre climatologue américain Michael E. Mann s’est félicité après avoir remporté son procès intenté pour diffamation contre deux climatosceptiques. Avec à la clé, la somme astronomique d’un million de dollars de dommages et intérêts pour Mark Steyn et 1 000 dollars pour Rand Simberg. Une telle différence peut s’expliquer par le fait que le premier intéressé s’est représenté lui-même, donc sans avocat. Si les scientifiques, notamment en ce qui concerne le climat, font face à des vagues de haine en ligne sans précédent, cette victoire juridique réaffirme de quel côté se loge la vérité.

Comparaison abjecte

Dans un communiqué publié sur X, Michel E. Mann «espère que ce verdict» dissuadera de prochains calomniateurs et rappelle qu’«attaquer faussement les scientifiques du climat ne relève pas de la liberté d’expression», comme le prônent les mis en cause. L’affaire ne date pas d’hier. En 2012, Rand Simberg et Mark Steyn, tous deux blogueurs négationnistes du réchauffement climatique, ont accusé le climatologue de publier de fausses données sur le climat. Pour ce faire, le premier est allé jusqu’à établir un parallèle entre les travaux de Michael E. Mann, alors professeur à l’université d’État de Pennsylvanie, et l’affaire Jerry Sandusky, un ancien entraîneur de football dans cette même faculté, reconnu coupable d’agressions sexuelles sur mineurs. «Mann est le Jerry Sandusky de la science du climat, sauf qu’au lieu d’agresser des enfants, il a agressé et torturé des données», a-t-il écrit. Le second, qui a repris les propos de son comparse dans le magazine conservateur National Review, a qualifié les recherches du climatologue de «frauduleuses».

Cette comparaison abjecte aurait fait perdre des opportunités de financement de recherche et de collaboration au climatologue, qui a également déclaré avoir souffert d’une détresse émotionnelle. La manager de Mark Steyn, Melissa Howes, veut croire que Michael E. Mann «n’a jamais subi de préjudice réel du fait de la déclaration en question», et a annoncé que l’auteur canadien comptait faire appel de sa condamnation. Le jury a estimé, après une journée entière de délibération, que les deux auteurs avaient écrit ces billets d’opinion avec «malveillance, rancune, mauvaise volonté, vengeance et intention délibérée de nuire».

Michael E. Mann n’est pas le seul climatologue à faire l’objet de telles attaques diffamatoires. Citée par la radio publique nationale (NPR) des Etats-Unis, Lauren Kurtz, directrice exécutive du Fonds de défense juridique pour la science du climat, affirme que les scientifiques sont depuis quelques années la cible d’accusations de fake news. «Chaque année, nous aidons de plus en plus de scientifiques, révèle-t-elle. Nous avons même battu un record en 2023, avec plus de 50 chercheurs». De nombreux climatologues auraient contacté son organisation, affirmant avoir été censurés sous l’administration Trump. L’ancien président s’est fait remarquer pour sa remise en cause poussive de la science du climat, et pour avoir même retiré les Etats-Unis de l’accord de Paris. Entre-temps, avec une pandémie passée par là, l’essor fulgurant du complotisme prend de court les scientifiques, qui ne semblent plus faire l’unanimité.