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Libération
Dérèglement climatique

Europe du sud, Etats-Unis, Chine : les canicules de juillet «quasiment impossibles» sans le réchauffement causé par l’homme

D’après les conclusions d’une analyse du consortium scientifique World Weather Attribution, les vagues de chaleur extrêmes qui sévissent actuellement sur toute la planète ne sont plus rares, vont se multiplier et s’intensifier.
Une plage de l'île grecque de Rhodes, lundi 24 juillet, alors que des incendies majeurs ravagent le pays. (Petros Giannakouris/AP)
publié le 25 juillet 2023 à 7h00

Alors que la Grèce suffoque sous les incendies, que les cultures espagnoles flétrissent sous un soleil de plomb, et que les habitants de Phoenix, en Arizona, subissent la plus longue vague de chaleur jamais enregistrée aux Etats-Unis, les scientifiques du monde entier se démènent pour comprendre et analyser ces événements météorologiques extrêmes. D’après le consortium World Weather Attribution (WWA), il n’y a pas de place au doute : les canicules qui sévissent actuellement sur toute la planète auraient été «quasiment impossibles» sans le réchauffement provoqué par les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.

Leur étude, publiée ce mardi matin 25 juillet, montre également que le changement climatique a rendu la vague de chaleur en Chine au moins 50 fois plus probable. «On peut désormais s’attendre à des événements de ce type environ une fois tous les quinze ans en Amérique du Nord, environ une fois tous les dix ans en Europe du Sud et environ une fois tous les cinq ans en Chine», soulignent les chercheurs. Selon eux, ces anomalies extrêmes ne sont désormais plus rares dans notre climat actuel et se multiplieront, tout en s’intensifiant dans un monde à 2 degrés de plus par rapport au climat préindustriel, conformément aux prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

Méthode validée par la communauté scientifique

Le consortium WWA, qui collabore notamment avec l’Institut Pierre-Simon-Laplace à Paris, est spécialisé dans ce que l’on appelle «la science de l’attribution», un champ de recherche émergent qui étudie les liens entre changement climatique et événements météorologiques extrêmes (inondations, tempêtes, vagues de chaleur, sécheresses…).

Pour obtenir ces résultats aussi rapidement, l’équipe du WWA a analysé les données météorologiques des périodes du mois de juillet pendant lesquelles la chaleur a été la plus dangereuse dans chaque région (températures maximales moyennes sur sept jours dans le sud de l’Europe, sur 18 jours dans l’ouest des Etats-Unis, au Texas et dans le nord du Mexique, sur quatorze jours dans les basses terres de Chine) et les a insérées dans des modèles de simulations informatiques afin de comparer le climat tel qu’il est aujourd’hui – et qui a subi un réchauffement global d’environ 1,2 °C depuis la fin des années 1800 – avec le climat du passé. Concrètement, «les vagues de chaleur actuelles sont 2,5 °C plus chaudes en Europe du Sud, 2 °C plus chaudes en Amérique du Nord et environ 1 °C plus chaudes en Chine qu’elles ne l’auraient été sans le changement climatique d’origine humaine», concluent-ils. La méthode, bien rodée, a été validée par la communauté scientifique.

«Nos résultats ne sont pas surprenants»

Au printemps, les travaux des chercheurs avaient déjà permis d’établir que le réchauffement lié aux activités humaines était à l’origine de la vague de chaleur ayant frappé de plein fouet la péninsule ibérique et l’Afrique du Nord au mois d’avril, avec des températures dignes d’un mois de juillet sur le pourtour Méditerranéen. Idem pour les inondations de l’été 2021 en Allemagne et en Belgique, rendues neuf fois plus probables par le réchauffement ou encore le dôme de chaleur au Canada la même année, 150 fois plus susceptible de se produire.

En publiant les résultats de leurs travaux dans un laps de temps relativement court, les scientifiques souhaitent aider les Etats à adapter plus rapidement leurs politiques publiques. «Nos résultats ne sont pas surprenants, pointe Friederike Otto, climatologue au Grantham Institute de l’Imperial College de Londres et coautrice de l’analyse présentée ce mardi. Le monde n’a pas cessé de brûler des combustibles fossiles, le climat continue donc de se réchauffer et les vagues de chaleur deviennent de plus en plus extrêmes, c’est aussi simple que cela.»

Pas de preuve d’un «effondrement du climat»

«Nous avons encore le temps de nous assurer un avenir sûr et sain, mais il est urgent d’arrêter de brûler des combustibles fossiles et d’investir pour rendre les populations moins vulnérables, insiste la climatologue britannique. Si nous ne le faisons pas, des dizaines de milliers de personnes continueront à mourir de causes liées à la chaleur chaque année. Il est absolument essentiel que les gouvernements légifèrent sur l’élimination progressive des combustibles fossiles lors de la conférence sur le climat [COP 28 à Dubaï, ndlr] cette année.» D’après les estimations des scientifiques de l’Institut national français de la santé et de l’Institut de Barcelone pour la Santé Globale, publiées le 10 juillet dans la revue Nature Medicine, il y aurait eu 61 672 décès attribuables à la chaleur rien qu’en Europe, entre le 30 mai et le 4 septembre 2022.

Ces impressionnantes vagues de chaleur «ne sont pas la preuve d’un “emballement du réchauffement” ou d’un “effondrement du climat”», tient à préciser Friederike Otto. Face à l’accélération des événements extrêmes ces derniers mois (entre les vagues de chaleur marines dans l’Atlantique nord et la Méditerranée, les ouragans plus nombreux que d’habitude à cette période de l’année, l’accélération de la fonte des glaciers, les records de température et les pluies torrentielles frappant plusieurs régions du globe en même temps), certains observateurs s’inquiètent en effet d’une éventuelle «rupture» du climat. Or, comme l’expliquait récemment à Libération Jean-Noël Thépaut, le directeur de l’observatoire européen sur le climat Copernicus, il ne faut pas dresser de conclusions hâtives. Bien que leur violence ait surpris bon nombre de scientifiques, ces anomalies climatiques, anticipées par le Giec dans ses différents rapports, doivent encore être étudiées sur le moyen et le long terme.