Menu
Libération
Réchauffement

Face aux vagues de chaleur, certains vieillissent plus vite

Une étude taïwanaise, publiée ce lundi 25 août dans la revue «Nature Climate Change», révèle que la vitesse de vieillissement des organismes les plus exposés aux fortes températures peut s’accroître d’environ 3 % par an.
Après un incendie de forêt dans le village de San Vicente de Leira, dans le nord-ouest de l'Espagne, le 19 août. (Miguel Riopa/AFP)
publié aujourd'hui à 18h36

Comment la chaleur affecte-t-elle nos corps, année après année ? Selon une étude réalisée à Taïwan et publiée ce lundi 25 août dans la revue Nature Climate Change, deux années d’exposition aux vagues de chaleur peuvent accélérer le vieillissement biologique d’une personne de huit à douze jours.

«L’exposition cumulée aux vagues de chaleur a des effets constants et négatifs sur le vieillissement», résument ces recherches, parmi les premières à évaluer les conséquences des fortes températures à très long terme. Un angle original, bien que les effets sur la santé des canicules soient de mieux en mieux connus à mesure que ces épisodes s’accélèrent sur fond de réchauffement climatique. Cet été encore, l’Europe a connu deux épisodes de chaleur particulièrement intenses.

Pour l’heure, la majorité de la littérature médicale se concentre sur les effets immédiats ou à court terme de la chaleur : déshydratation, hyperthermie et, plus largement, troubles cardiovasculaires et respiratoires, problème de santé mentale, sommeil perturbé… L’étude taïwanaise, elle, prend un grand recul et s’interroge sur l’effet, au fil du temps, de la chaleur sur nos organismes. «C’est nouveau pour moi, je n’ai jamais vu un papier comparable», salue le professeur français Yves Rolland, qui dirige à Toulouse un IHU spécialisé dans les recherches sur le vieillissement. «Quel que soit l’âge, on voit qu’il y a une conséquence sur le vieillissement ; je ne suis pas sûr que tout le monde ait conscience de ça», remarque-t-il.

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs taïwanais se sont basés sur les données de santé de plus de 20 000 personnes, suivies sur une quinzaine d’années. Ces patients ont subi une dizaine de tests afin d’estimer leur niveau de vieillissement : taux d’albumine dans le foie, pression sanguine, capacité à expirer rapidement de l’air… Le but était d’évaluer l’écart entre leur âge réel et leur âge biologique. Celui-ci est mesuré selon l’état de santé des poumons, du foie et des cellules d’une personne par rapport à une autre, en parfaite santé.

Comparable au tabagisme ou à une mauvaise alimentation

Les chercheurs ont ensuite croisé ces données avec le lieu de résidence des patients, pour évaluer à quel point ces derniers ont été exposés à la chaleur au cours des années précédentes. Résultat : plus la personne a connu de fortes températures, plus son âge biologique dépasse son âge réel. Ainsi, pour le quart de personnes les plus exposées à la chaleur, la vitesse du vieillissement semble s’accroître d’environ 3 % par an.

«C’est relativement faible mais c’est assez comparable à d’autres facteurs de risques comme le fait d’avoir une mauvaise alimentation ou faire peu d’exercice», commente Yves Rolland. Ou le tabagisme et la consommation d’alcool. «Et ça touche tout le monde.» L’étude conclut toutefois à des effets plus ou moins marqués selon les personnes : les plus touchées seraient les travailleurs manuels, les habitants de zones où la climatisation est moins répandue, et les habitants des campagnes.

Si ce travail donne des pistes importantes pour mieux étudier les effets durables de la chaleur, il faut prendre ses conclusions avec précaution. D’abord, il n’y a pas de consensus sur un ensemble précis d’indicateurs qui déterminerait l’âge biologique d’une personne : il y a forcément une part d’arbitraire dans les critères retenus. Ensuite, la méthodologie ne permet qu’une estimation assez grossière du niveau auquel les patients ont subi de fortes chaleurs.

Surtout, les conclusions sont limitées par le fait que l’étude a été menée dans un seul pays, qui plus est à la superficie assez réduite. «Comme l’étude est circonscrite aux habitants de Taïwan, ses résultats ne peuvent pas forcément être généralisés à d’autres régions et d’autres populations, en particulier sous des climats différents», prévient le professeur australien Paul Beggs, spécialiste en santé environnementale, dans un commentaire publié dans le même numéro de Nature Climate Change.

Vagues de chaleur plus fréquentes et plus longues

Reste que cette étude «améliore notre compréhension des effets sanitaires des vagues de chaleur», conclut-il, jugeant qu’elle «met en évidence une corrélation importante» entre vieillissement et températures élevées. Par ailleurs, une étude publiée début 2025 dans la revue Science Advances a conclu à un effet de la chaleur sur le vieillissement des Américains, à partir d’indicateurs différents. Si les patients étudiés, moins nombreux, étaient déjà tous âgés, ces recherches ont toutefois montré que vivre à 32 °C pendant au moins cent quarante jours par an pouvait entraîner jusqu’à quatorze mois de vieillissement supplémentaire.

Alors que les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes et durent plus longtemps, les impacts sur la santé pourraient être bien plus importants à mesure que le réchauffement climatique s’aggrave. La combustion des énergies fossiles, principale cause de la hausse mondiale des températures a d’ailleurs atteint des niveaux records en 2024.