Encore une épreuve pour les Mahorais. L’île durement touchée en décembre par le cyclone Chido, et où tout reste à reconstruire, a été placée ce samedi 11 janvier en alerte cyclonique rouge, en prévision du passage de Dikeledi au large du sud de cet archipel de l’océan Indien. D’abord fixé à orange dans la matinée, le niveau d’alerte a été relevé dans le courant de l’après-midi, pour s’appliquer à compter de 22 heures locales (20 heures à Paris). Bien que la trajectoire du cyclone Dikeledi soit encore incertaine, la tempête devrait s’abattre sur Mayotte dimanche dans la matinée. Libération fait le point sur la situation.
Des pluies et des vents intenses
Moins puissante, pour le moment, que le cyclone Chido, la tempête Dikeledi pourrait tout de même être dévastatrice. La principale différence est qu’elle devrait causer «des fortes précipitations à partir de samedi soir et jusqu’à la nuit de dimanche à lundi, cumulant 150 mm sur 12 heures», prévient la préfecture. S’y ajouteront «des vents qui vont forcir progressivement pour atteindre 50-60 km/h en moyenne et des rafales de 90-100 km/h», ainsi qu’un «risque de submersion marine sur les côtes compte tenu du niveau de la marée et de l’état de la mer».
De son côté, Météo-France prévoit «une importante dégradation pluvieuse et venteuse» au moment du passage de Dikeledi près de l’archipel, évoquant «de très fortes pluies pouvant générer des inondations». La vigilance cyclonique orange est même désormais accompagnée d’une vigilance jaune aux fortes pluies, selon le dernier bulletin de l’agence météorologique.
🌀#DIKELEDI (4e tempête de la saison sur l'Indien Sud-Ouest) s'intensifie en forte tempête tropicale ce 10 janvier matin. Landfall au stade cyclone tropical prévu sur #Madagascar (Antsiranana) samedi 11, puis menace possible dimanche pour #Mayotte, placée en pré-alerte cyclonique pic.twitter.com/YJ3P16pWjx
— Etienne Kapikian (@EKMeteo) January 10, 2025
Alors que la tempête tropicale s’avance dans l’océan Indien, sa trajectoire n’est pas encore tout à fait définie. A ce stade, Dikeledi devrait, selon les prévisions, passer à moins de 110 km des côtes sud de l’archipel. «On a même des systèmes qui nous disent 75 km», a souligné le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville, lors d’une conférence de presse à Mamoudzou samedi matin.
Des informations confirmées par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, dans la journée : «Selon les schémas et les calculs qui sont établis, le sud et le sud-est de l’île pourraient être particulièrement exposés». «Cependant, a-t-il ajouté, comme le nord est plus montagneux et qu’il y a des risques de coulées et de submersion, on est également très attentifs» à cette partie de l’île, déjà fortement touchée par le cyclone Chido.
Interview
Les éventuelles coulées de boue constituent «des risques importants», a abondé le préfet. «Chido était un cyclone sec, on a eu très peu de pluie. Cette tempête tropicale est un événement humide, on va avoir beaucoup de pluie […] sur un sol déjà fragilisé.»
Les prévisionnistes de Météo-France anticipent un affaiblissement de Dikeledi dans la nuit de samedi à dimanche «au stade de forte tempête tropicale, avant de circuler au large du sud de Mayotte en journée de dimanche».
D’importantes précautions et mesures de sécurité
Pour éviter une nouvelle catastrophe sur l’île dévastée, «rien n’est laissé au hasard», a assuré ce jeudi après-midi le ministre Manuel Valls. Dans la matinée, une réunion de la cellule interministérielle de crise avait eu lieu à Paris, «sous l’autorité du cabinet du Premier ministre [François Bayrou]», a précisé à Libération une source ministérielle. Les membres du gouvernement ont notamment évoqué «les renforts en cours de pré-positionnement» ainsi que «la protection de la population». Selon cette même source, «le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a également échangé par téléphone avec le préfet de Mayotte sur l’ensemble des mesures prises en prévision de ce nouvel épisode climatique majeur».
Le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, a annoncé peu après 17 heures sur la chaîne TV Mayotte La 1ère sa décision «d’avancer à 22 heures» le passage de l’alerte orange à rouge «pour permettre à chacun de bien se mettre à l’abri, de bien se confiner, de prendre soin des personnes proches de vous, de vos enfants, de vos familles, des personnes vulnérables, des grands-parents, des mamans qui sont isolées, pour faire en sorte que chacun puisse être protégé dans cette période qui s’annonce».
Sur l’archipel, des messages en français mais aussi en shimaoré et en kibushi, deux langues régionales de Mayotte, ont été diffusés à la radio et à la télévision pour alerter la population. «Le relais religieux a été utilisé avec les prières de vendredi», ainsi que les réseaux sociaux, notamment Facebook, a fait savoir Manuel Valls. Le ministre a aussi évoqué l’importance de la «stratégie ‘‘d’aller vers’’», c’est-à-dire «aller vers les sites prioritaires dans les quartiers précaires pour aller voir là où il pourrait y avoir des populations qui n’auraient pas été totalement informées», a-t-il souligné.
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Concernant les hébergements d’urgence, «on a 71 centres identifiés et prêts», un chiffre qui devrait augmenter «dans la journée», selon lui. Le préfet a par ailleurs demandé aux maires de rouvrir les centres d’hébergement (écoles, équipements municipaux, gymnases, etc.) qui avaient pu accueillir «15 000 personnes» environ lors du précédent épisode cyclonique.
La préfecture, elle, appelle les habitants à des «mesures de précaution et de prudence» : fixer les objets et obstacles «susceptibles de constituer des dangers ou des projectiles», annuler leurs sorties, notamment en mer, faire des stocks de médicaments ou encore préparer des réserves d’éclairage et d’eau.
Concernant les infrastructures, Manuel Valls s’est dit «très attentif» à l’état des réseaux et télécommunications : «Il y a un dispositif spécial de mise à l’abri des antennes pour qu’on puisse vite les réutiliser après le passage du cyclone». L’aéroport fermera à 18 heures, heure locale (16 heures, heure de Paris), tandis que les ferries sont déjà à l’arrêt.
Enfin, la rentrée scolaire, à l’origine prévue dans deux jours, est elle aussi affectée par cette nouvelle tempête. «On a décalé d’une journée la rentrée administrative», soit «mardi pour les enseignants et le 20 pour les élèves», a déclaré le ministre des Outre-mer, «à ce stade».
Le précédent Chido
Cette nouvelle alerte survient moins d’un mois après le cyclone Chido, le plus dévastateur qu’ait connu le petit archipel de l’océan Indien en 90 ans. Il a causé des dommages colossaux dans ce département précaire. Le passage de la tempête, le 14 décembre, a fait au moins 39 morts et plus de 5 600 blessés, détruisant de très nombreuses habitations précaires et en dur du 101e département de France.
Les cyclones se développent habituellement dans l’océan Indien de novembre à mars, mais cette année, les eaux de surface sont proches de 30 °C dans la zone, ce qui fournit plus d’énergie aux tempêtes, un phénomène du réchauffement climatique observé également cet automne dans l’Atlantique nord et le Pacifique.
Mise à jour : à 17h18, avec le passage en alerte rouge.