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Le Libé des historien·nes

Il n’y a pas d’histoire sans climat : comment sept ans de sécheresse ont fait tomber l’empire Ming

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Ce qui est survenu par le passé pouvant se reproduire, l’histoire devrait se pencher sur les vies ordinaires qui parlent d’abondance et de famine plutôt que sur les héros. En atteste la chute édifiante, en 1644, de la dynastie chinoise, fragilisée par des catastrophes climatiques.
Une touriste marche sur le pont à mille trous de la dynastie Ming, dans la ville de Jiujiang, dans la province de Jiangxi (Chine orientale), en septembre 2022, alors que le lac Poyang entre dans la saison basse et sèche. (CFOTO/SIPA)
par Timothy Brook, professeur à l'université de Colombie-Britannique, à Vancouver (Canada)
publié le 9 octobre 2024 à 23h43

A l’occasion des «Rendez-vous de l’histoire», qui se tiennent à Blois du 9 au 13 octobre 2024, les journalistes de Libération invitent une trentaine d’historiens pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 10 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.

La société humaine existe dans les conditions que le climat nous impose. Il nous a fallu beaucoup de temps pour en prendre conscience, mais nous nous rendons enfin à l’évidence. C’est pourquoi il est désormais impossible d’écrire l’histoire sans tenir compte du climat. Aucun grand événement, aucune catastrophe majeure ne se sont produites sans qu’il n’en soit le moteur.

Depuis des millénaires, nous habillons des beaux atours d’autres facteurs, le plus souvent moraux, les cataclysmes provoqués par la variabilité naturelle du climat sur les Etats, les sociétés et les peuples. Pour prendre l’exemple de la chute de la dynastie Ming en 1644, les Mandchous qui ont envahi la Chine cette année-là ont voulu en rejeter la faute sur l’incompétence des officiers militaires, la corruption des fonctionnaires civils et la décadence des intellectuels. Cette explication leur a permis de se présenter comme des chefs compétents et intègres, qui méritaient d’avoir conquis les Ming.

Une cible facile pour les armées mandchoues

Ce ne sont pas l’incompétence ou l’immoralité qui ont provoqué l’effondrement du régime,