Fabrice n’a pas besoin d’une prophétie au doigt mouillé. «Je crois que ça va tomber encore.» Il dit qu’il en a vu d’autres. Mais «des petites, des minables, des pas pareilles» que cette inondation-ci. Fabrice, 53 ans de vie, 53 passées à Neuville-sous-Montreuil (Pas-de-Calais), est posté devant une rue du centre du village, à la lisière de l’eau, comme un enfant qui ne voudrait pas tremper ses pieds à la plage. Devant lui, un camion de pompiers s’enfonce dans la rue, provoque une vague.
Des ballons en plastique flottent, une bouteille de gaz a été repêchée. Fabrice habite dans un des HLM plus haut : il est au sec. Son frère, lui, habite le coin. Il vient d’acheter une maison qu’il a retapée. Il a de l’eau jusqu’aux mollets depuis cette nuit. Fabrice n’a plus rien dans le frigo et le Proxy du coin est trop cher pour lui. Ce n’est pas ce qui l’inquiète. Il tait sa terreur : son filleul est mort l’année passée. Il est enterré dans le cimetière communal. Il s’y est rendu au levé du jour ; l’eau est tout proche.
A Neuville-sous-Montreuil comme partout dans le Pas-de-Calais, de l’eau, toujours plus d’eau. Pas une ondée de basse intensité mais un déluge nourri, incessant. Une nouvelle journée dans un gris sale et sombre, après une nuit de déluge. Météo France, qui anno