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Historique

Justice climatique : la Suisse condamnée pour inaction, les autres requêtes rejetées par la Cour européenne des droits de l’homme

La CEDH, qui était appelée pour la première fois par des citoyens européens à s’exprimer sur l’urgence climatique, a condamné la Suisse mais a rejeté la requête contre la France de l’ex-maire de Grande-Synthe Damien Carême, ce mardi 9 avril.
Greta Thunberg et des requérants portugais pour le climat, devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, le 9 avril. (Christian Hartmann/REUTERS)
publié le 9 avril 2024 à 11h13

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Suisse dans un jugement historique, une décision contraignante qui devrait faire jurisprudence dans les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe. En revanche, elle a rejeté les requêtes de six jeunes Portugais contre 32 Etats et celle de Damien Carême contre la France, ce mardi 9 avril, dans trois décisions très attendues, car susceptibles de contraindre les Etats à redoubler d’efforts. Jusqu’ici, jamais la CEDH ne s’était prononcée sur la responsabilité des Etats en matière d’action contre le changement climatique.

La requête des six jeunes Portugais rejetée

La décision la plus scrutée concernait la requête de six jeunes Portugais, âgés de 12 à 24 ans, mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2017. Finalement rejetée ce mardi 9 avril, leur requête était dirigée non seulement contre le Portugal, mais également contre tous les pays de l’Union européenne, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie, soit 32 pays au total. «Ces trois affaires, intentées par des personnes âgées de 12 ans à plus de 80 ans, montrent que nous sommes tous touchés par la crise climatique», souligne l’une des requérantes, la Portugaise Catarina dos Santos Mota, 23 ans.

La CEDH condamne la Suisse

La deuxième affaire était portée par l’association suisse des «Aînées pour la protection du climat» (2 500 femmes âgées de 73 ans en moyenne) et quatre de ses membres qui ont développé en plus des requêtes individuelles. Elles dénoncent des «manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique» qui, selon elles, ont des conséquences négatives sur leurs conditions de vie et leur santé. Dans ce dossier, la CEDH vient de condamner la Suisse, une première.

La requête portée par Damien Carême rejetée

Un troisième dossier avait été lancé à l’initiative de l’eurodéputé français Damien Carême. Cet ancien maire de Grande-Synthe (Nord), attaquait les «carences» de l’Etat français, estimant notamment qu’elles font peser sur la ville, littorale de la mer du Nord, un risque de submersion. La Cour a rejeté cette requête. En 2019, l’élu avait déjà, en son nom propre et en tant que maire, saisi le Conseil d’Etat pour «inaction climatique». La plus haute juridiction administrative avait donné raison à la commune, mais avait rejeté sa demande individuelle, l’amenant donc à saisir la CEDH. «Voir ma ville submergée dans 30 ans est insupportable», justifie Damien Carême, expliquant vouloir «en finir avec la léthargie» et «le refus d’agir de l’État».

Tôt ce matin, plusieurs heures avant le rendu de ces arrêts, des dizaines de personnes s’étaient rassemblées sous le ciel gris de Strasbourg devant la Cour. Parmi elles, la célèbre militante écologiste suédoise Greta Thunberg. «La justice climatique est un droit de l’homme», proclamait en anglais une banderole bleue tenue par des femmes aux cheveux blancs, membres de l’association suisse des «Aînées pour la protection du climat». Bruna Molinari, une de ses membres, assénait : «J’ai 82 ans et je ne verrai pas les effets des décisions rendues aujourd’hui. Il faut que les politiques changent et ça prendra du temps.»