La Californie a opté pour la méthode douce dans sa lutte contre les incendies monstres qui ravagent la région chaque année. Des chèvres en liberté, particulièrement efficaces pour brouter les mauvaises herbes très inflammables, gambadent désormais gaiement dans l’état de l’Ouest américain, rapporte la BBC.
Los Angeles, San Francisco, Sacramento… On ne compte plus les zones où ces animaux interviennent désormais. La ville de Redding, 180 000 habitants, a mis sur pied sa «goat strike force», que l’on peut traduire par sa «force spéciale caprine», qui patrouille dans les espaces verts. Un «scénario gagnant-gagnant», se réjouit Michael Choi, éleveur de chèvres qu’il loue à des municipalités, des écoles et des clients privés pour débroussailler leurs terrains difficiles d’accès. L’entreprise, qui possède 700 chèvres, a récemment dû agrandir son troupeau pour répondre à la demande.
Reportage
Sous l’effet du réchauffement climatique, son lot de canicule et de sécheresse, les incendies en Californie sont devenus plus fréquents, plus intenses et plus destructeurs depuis les années 1980. Selon CalFire, le Département californien des forêts et de la protection contre les incendies, plus de 80 000 hectares par an ont été dévorés par les flammes en moyenne ces cinq dernières années dans l’Etat.
La gestion des terres joue un rôle majeur pour prévenir ces sinistres, car l’accumulation d’arbres morts et d’arbustes secs crée le parfait combustible pour les flammes. Si les autorités ont longtemps compté sur les herbicides et le travail manuel pour tondre ras les pelouses et débroussailler, la méthode chèvre s’affirme ces dernières années comme une solution plus durable et plus rentable.
«Ces animaux sont particulièrement utiles dans des endroits comme la Californie et la Méditerranée car elles sont adaptées pour s’attaquer aux arbustes», explique Karen Launchbaugh, professeur d’écologie à l’Université de l’Idaho, qui a mené plusieurs études sur le pâturage d’ovins et de bovins. Contrairement à d’autres herbivores, les chèvres ont une bouche étroite et profonde, idéale pour croquer les tiges et les petites branches, et peuvent brouter jusqu’à deux mètres de hauteur. «Elles peuvent aussi manger des plantes vénéneuses», renchérit Karen Launchbaugh.
Flashy fire fuels are a five-star meal for the #GoatStrikeForce! This morning, the goats were moved across Placer Street with an escort from the @reddingpolice and Redding Parks. They could be visiting a greenbelt near you soon. #Goats #PowerMunchHour #VegetationManagement pic.twitter.com/LXEMyIqSRT
— City of Redding (@cityofredding) June 15, 2023
Sans oublier que les chèvres peuvent s’aventurer sur les terrains les plus escarpés, difficiles d’accès et dangereux pour les ouvriers, qui sont monnaie courante en Californie.
En 2013, pour éclaircir 40 hectares dans la forêt nationale de Cleveland, en Californie du Sud, le Service forestier des Etats-Unis s’est aidé de 1 400 de ces caprins. L’objectif : dégager une zone tampon de 90 mètres entre les bois et les habitations voisines. «Pour ça, il faut normalement beaucoup de force humaine et de nombreuses machines. Il faut aussi pouvoir brûler les broussailles en toute sécurité», explique à la BBC le garde forestier du district Joan Friedlander. Les étincelles des tondeuses à gazon, tronçonneuses, tracteurs et autres machines sont autant de menaces potentielles évitées.
En 2022, le travail des chèvres a aidé à arrêter les flammes lors d’un incendie dans l’ouest de la ville de Sacramento, sauvant ainsi plusieurs habitations selon les pompiers.
Technique la plus écologique
Utiliser la faune de cette manière «devrait faire partie de la boîte à outils lorsque nous luttons contre les incendies de forêt», propose Karen Launchbaugh. Ce service rendu par les chèvres est ancestral dans les pays du pourtour méditerranéen. Une étude sur l’efficacité du pâturage caprin dans la région a révélé qu’il s’agit «probablement de la technique la plus écologiquement rationnelle» de pare-feu, souligne la BBC.
Quelques inconvénients tout de même : si les chèvres coûtent moins cher qu’un ouvrier et ses produits désherbants, elles sont moins rentables lorsqu’elles broutent sur des terrains plats et ouverts, qui peuvent être facilement entretenus par l’homme. De plus, les animaux ne peuvent pas être rangés dans un hangar en attendant la saison suivante. «Il faut des moyens pour les transporter. Et savoir comment les gérer est une compétence, il faut donc des bergers expérimentés», nuance Karen Launchbaugh. Les chèvres se révèlent aussi moins efficaces lorsque l’herbe est trop haute, ou quand le terrain dispose de plantes recherchées ou protégées puisqu’elles ne font guère la différence avec les mauvaises herbes dans leur mission gloutonne.