La France investit-elle suffisamment pour se préparer sereinement à un monde de plus en plus surchauffé ? Les experts de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) ont recensé toutes les dépenses de l’Etat concernant l’épineuse question de l’adaptation à la crise climatique, c’est-à-dire de la protection des populations face aux conséquences du réchauffement (canicules, inondations, incendies, etc.).
A lire aussi
Bonne nouvelle, soulignent les auteurs du rapport intitulé «Adapter la France à + 4 °C, moyens, besoins, financements» publié ce vendredi 12 septembre, «depuis 2020, nous observons une montée en puissance des moyens dédiés à l’adaptation dans tous les domaines d’action publique concernés par le changement climatique». Si les montants restent limités pour certains domaines, les chercheurs n’ont pas identifié «d’angle mort évident».
2025, la fin d’une dynamique positive
D’après leurs calculs, 1,7 milliard d’euros ont été directement investis dans l’adaptation en 2025 par l’Etat, les opérateurs publics et des entreprises de services publics. Cet argent a été principalement réparti dans les crédits alloués aux programmes des agences de l’eau (environ 939 millions d’euros), au Fonds vert, qui soutient les collectivités locales, et au Fonds Barnier, dédié à la prévention des risques naturels, (714 millions d’euros) ou encore aux appels à projets France 2030 (24 millions d’euros).
L’ensemble des politiques publiques et des programmes d’investissement concernés intégrant de mieux en mieux la notion de changement climatique, les auteurs recensent également plusieurs dizaines de milliards d’euros contribuant à l’adaptation du pays sans faire partie de budgets dédiés à cette mission, comme la rénovation énergétique des bâtiments et celle des infrastructures de transport, la politique de prévention des risques, ou les moyens dédiés à la lutte contre les incendies.
Toutefois, «si la période 2020-2024 a effectivement été celle d’une réelle prise en charge du sujet, la période plus récente fait peser d’importantes incertitudes sur la suite», écrivent les experts d’I4CE, en pointant la baisse des budgets alloués spécifiquement à la question de l’adaptation, comme le Fonds vert et certains dispositifs France 2030, ou plus largement celle des crédits des missions de l’Etat concernées par le changement climatique.
Un plan national jugé «insuffisant»
2025 marque «la fin de la dynamique» positive, certaines enveloppes connaissant déjà des «réductions notables», notamment côté forêt et agriculture, précisent-ils. «Il n’y a pas de temps à perdre, les travaux que nous publions aujourd’hui montrent que si les moyens publics pour l’adaptation ont connu une nette augmentation dans la période récente, l’année 2025 laisse entrevoir des premiers signaux d’alerte sans perspective d’amélioration à court terme», analyse Guillaume Dolques, co-auteur du rapport et chercheur à I4CE.
Après deux ans d’attente, le gouvernement a présenté, en mars, son troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), destiné à préparer les transports, les infrastructures énergétiques ou l’agriculture à un réchauffement de 4°C en France d’ici la fin du siècle. Mais «les financements connus à ce stade pour le PNACC-3 sont insuffisants comparés aux estimations de besoin», tancent les experts d’I4CE, sur la même ligne que ceux du Haut Conseil pour le climat (HCC). En juillet, après un an d’accumulation de reculs et retards environnementaux, le HCC avait déjà fermement exhorté le gouvernement à «relancer l’action climatique».
Au-delà de l’analyse des financements des politiques publiques, les chercheurs d’I4CE mettent en lumière la nécessité pour les décideurs politiques de faire dès maintenant des choix pour l’avenir, tout en leur proposant des pistes de réflexion. Faut-il renforcer les infrastructures existantes ou plutôt transformer certains secteurs afin qu’ils soient plus résilients aux chocs à venir ?
«Dans l’immédiat, c’est la question du budget qui devrait occuper le nouvel exécutif, pointe Guillaume Dolques. Il faudra être attentif à ce que les besoins incontournables à l’aune du changement climatique soient intégrés. Mais aussi à ce que l’ensemble des budgets qui, sans le dire, contribuent à nos capacités d’adaptation soient préservés : pouvoir compter sur des bâtiments rénovés, des infrastructures correctement entretenues ou un système de santé robuste sont les fondamentaux de notre résilience.»