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Libération
Inédit

L’Arcom met en garde Sud Radio pour des propos climatosceptiques, une première

L’autorité de régulation des médias a épinglé une émission problématique de l’animateur André Bercoff, qui avait reçu, sans contradiction, un invité climatosceptique à l’occasion de la COP28 fin 2023.
L'éditorialiste André Bercoff assiste à la réunion d'été annuelle du Medef 'La Ref 2021' sur l'hippodrome de Longchamp à Paris, France, le 25 août 2021. (Daniel Pier/NurPhoto.AFP)
publié le 26 juin 2024 à 16h19

C’est un avertissement inédit dans le secteur des médias. L’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, a adressé une «mise en garde» à Sud Radio pour un motif peu commun : des propos climatosceptiques à l’antenne. Il s’agit d’une première, confirme l’autorité à Libération. En cause, l’émission «Bercoff dans tous ses états» à l’occasion de la dernière session de négociations internationales sur le climat, la COP28 à Dubaï fin 2023. L’animateur André Bercoff, friand des thèses climatosceptiques, et plus largement complotistes, avait alors invité François Gervais, auteur de L’urgence climatique est un leurre (L’artilleur, 2020).

«Une première étape indispensable»

Réunie en assemblée générale le 26 mai, l’Arcom «a relevé que plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction» dans la décision publiée sur son site mardi. Les passages problématiques ne sont cependant pas cités. «L’Arcom nous donne raison», s’est félicité sur Linkedin l’association Quotaclimat, qui avait saisi l’autorité. Et d’ajouter : «C’est une première étape indispensable pour réguler la qualité de l’information environnementale dans l’audiovisuel français, et aujourd’hui, nous l’avons franchie !».

Le 7 décembre 2023, François Gervais a par exemple raconté à l’antenne que le réchauffement climatique est «un bien» car «le froid tue beaucoup plus […] qu’un peu de chaleur». S’il est vrai que le froid cause pour l’heure davantage de morts que la chaleur en France, cela est en train d’évoluer : «le nombre de décès attribuables aux températures les plus chaudes a doublé depuis les années 1970″, a calculé Santé publique France en 2022. La tendance va encore s’accentuer, plus ou moins en fonction de la baisse à venir des émissions de gaz à effet de serre. Une étude reprise dans le dernier rapport du Giec avertit que d’ici la fin du siècle, «près des trois quarts de la population humaine mondiale pourraient être exposés à des conditions climatiques mortelles avec des émissions futures élevées». Et même en cas de «fortes mesures d’atténuation», la moitié de l’humanité sera concernée.

Dans la même tirade, François Gervais insinuait également que le réchauffement du climat, actuellement à + 1,2 °C par rapport à l’ère industrielle, n’était pas lié aux activités humaines, alors que les scientifiques du Giec confirment dans leur dernier rapport que l’humanité en est «sans équivoque» la cause. «Tous les à peu près 100 000 ans, il y a une période très froide suivie d’une période plus chaude. Nous sommes au sommet de la période plus chaude. Il faut s’en féliciter !», expliquait-il. En omettant de dire que le rythme du réchauffement actuel est bien plus rapide que lors de toutes les périodes chaudes précédentes.

Contacté par Libération, Frédéric Jouve, directeur des programmes et du digital de Sud Radio, ne souhaite pas «faire de commentaire spécifique» sur l’émission incriminée et dit prendre «très au sérieux les observations et recommandations formulées par l’Arcom». Il rappelle que sa radio consacre par ailleurs «beaucoup de temps d’antenne aux problématiques du dérèglement climatique avec des rendez-vous réguliers comme l’émission «Les Vraies Voix Éco-Responsables», la chronique «Comment va la planète ?» de Morad Ait Habbouche, ainsi que les interventions des membres du GIEC et de nombreux spécialistes». Le directeur général de Sud Radio, Patrick Roger, affirme cependant auprès de Novethic avoir rappelé à son journaliste André Bercoff qu’il «faut toujours apporter de la contradiction». Tout en ajoutant : «Je ne voudrais pas qu’il y ait une interdiction de la parole sur certains sujets. La vérité d’aujourd’hui n’est pas toujours celle de demain, qui n’était pas celle d’hier». Si la désinformation climatique venait encore à se répéter, Sud Radio s’exposerait à une mise en demeure, puis à une sanction financière.