Un chauffage réglé sur 19°C dans les habitations et les bureaux. Plus qu’une simple recommandation martelée ces dernières semaines par le gouvernement, il s’agit d’une loi, vieille de cinquante ans, que le plan de sobriété énergétique présenté jeudi compte «faire connaître et appliquer». Libération décrypte les enjeux sous-tendus par cette réglementation largement méconnue.
Que dit la loi ?
«Ces textes remontent à 1974, au moment de la crise pétrolière», rappelle d’emblée Jérôme Lépée, avocat associé en droit de l’énergie. Après le choc pétrolier de 1973, la France découvre les limites d’une économie gourmande en énergie. Une série de mesures instaurées en 1974 visent à réduire la consommation de pétrole dans le pays et plafonnent le chauffage à 20°C en moyenne «dans les locaux à usage d’habitation, d’enseignement, de bureaux ou recevant du public». En 1979, un décret réduit cette limite supérieure à 19°C. Ces dispositions, en vigueur à l’heure actuelle, intègrent le code de l’énergie en 2015.
Si le périmètre d’application de cette loi est large, quelques exceptions demeurent, à l’instar «des hôpitaux, des crèches ou des maisons de retraite par exemple», relève le juriste.
Une température moyenne ?
Le texte précise bien qu’il s’agit d’une température moyenne et non d’une limite absolue. Les 19°C peuvent donc varier d’une pièce à l’autre au sein d’un même logement ou d’un immeuble entier.
«Concrètement, si je suis locataire d’un immeuble collectif et que j’estime que la température est trop élevée, je peux demander à un huissier de venir chez moi, souligne Jérôme Lépée. Mais comme le texte indique qu’il s’agit de la température moyenne des pièces de tout l’immeuble, il faudra que tous les locataires acceptent d’ouvrir leurs portes pour que l’expertise ait lieu.» De quoi rendre la mise en application de cette loi quasiment irréalisable.
Quelles sont les sanctions possibles ?
Si le contrôle de certains bureaux ou habitations collectives peut techniquement avoir lieu, les vérifications des habitations individuelles sont impensables : «Ce n’est pas la police qui va sonner à votre porte pour vous dire “ouvrez, on va vérifier la température chez vous !” glisse Jérôme Lépée, amusé. Pour qu’un officier de police judiciaire entre dans votre maison, il faut qu’une enquête ait été diligentée.»
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Toutefois, un non-respect de cette limite constitue en théorie une infraction. Le risque encouru ? Une contravention de cinquième classe, soit une amende de 1 500 euros. «S’il y avait un contrôle qui prouvait que l’on se trouve dans une situation où l’on ne respecte pas les 19°C, effectivement, la contravention de 1 500 euros s’appliquerait», relève l’avocat avant de temporiser : «Cela reste très hypothétique.»
Mais alors, quel est l’intérêt de cette loi ?
Si Jérôme Lépée admet qu’il est «un peu idiot» de conserver un article de loi qui n’a pas d’application effective, il en souligne néanmoins l’intérêt. «La loi, parfois, c’est prescriptif. Là, on est plutôt sur une vision pédagogique, pour que les gens prennent conscience que l’énergie est un bien essentiel et qu’il faut y faire attention.»
Pour que cette loi ne sombre pas dans les abîmes du code de l’énergie cinquante années supplémentaires, le gouvernement compte bien s’appuyer cette fois-ci sur les acteurs des services aux bâtiments et les syndicats de copropriété pour «sensibiliser et faire appliquer le respect des consignes de températures dans les bâtiments dont ils ont la gestion», mais aussi sur les Français et leur sens des responsabilités.