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Extrêmes

Le grand écart climatique de l’Europe en 2024 : inondations à l’ouest, sécheresse à l’est

Le rapport sur l’état du climat européen en 2024, publié conjointement par le Service Copernicus et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) ce mardi 15 avril, décrit un Vieux Continent scindé par les extrêmes climatiques.
Dans les environs de Valence, en Espagne, le 3 novembre, peu après des inondations meurtrières. (Axel Miranda/LightRocket via Getty)
publié le 15 avril 2025 à 4h00

L’année 2024, record en termes de températures, semble déjà lointaine, mais elle a encore des choses à nous apprendre. Car les événements météo extrêmes successifs en Europe ont littéralement scindé le continent en deux blocs, l’un très humide, l’autre particulièrement sec, et l’effet de ce clivage persiste aujourd’hui. C’est ce que pointe le rapport sur l’Etat du climat européen en 2024, publié ce mardi 15 avril 2025 par le Service Copernicus pour le changement climatique (C3S) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

«Contrastes climatiques saisissants»

Ce document d’une centaine de pages fait le bilan de «contrastes climatiques saisissants» entre l’est et ouest, assez inhabituels. A cause de précipitations à la fois intenses et prolongées en 2024, l’ouest de l’Europe a connu l’une des dix années les plus humides jamais enregistrées depuis 1950. La France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg ainsi que le Danemark font partie des pays les plus copieusement arrosés. L‘Espagne et l’Italie ont même connu leur année la plus pluvieuse depuis 1979.

Résultat : le sol est resté plus humide que la normale, notamment en été et à l’automne. Au Danemark, dans certaines régions, ce phénomène a même atteint des records. «Cette situation, associée à des précipitations supérieures à la moyenne pendant l’été, a entraîné des inondations localisées», rappelle le rapport. Même phénomène en octobre en France, notamment en Seine-et-Marne, où la tempête Kirk a causé des inondations «aggravées par des sols déjà saturés».

Les pluies ont également surchargé les rivières : sur toute l’année, leur débit a été plus élevé que la normale dans l’ouest et le centre de l’Europe. Et près d’un tiers du réseau fluvial a connu des inondations dépassant le seuil «élevé». Cet épisode d’inondations, sans précédent depuis 2013, est le cinquième plus important enregistré depuis 1992. «L’Europe occidentale a connu des débits fluviaux largement supérieurs à la moyenne, certains bassins-versants, comme la Tamise au Royaume-Uni et la Loire en France, ayant enregistré en quatre mois de printemps et d’automne les débits les plus élevés jamais enregistrés depuis trente-trois ans», précise le rapport.

Parmi les événements marquants figure la tempête Boris en Europe centrale, où les trombes d’eau ont fait sortir les rivières de leur lit en septembre. «Les débits ont atteint au moins deux fois le maximum annuel moyen sur 8 500 km de cours d’eau», dont le Danube, relève le rapport. Huit pays (Allemagne, Pologne, Autriche, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Roumanie et Italie) en ont fait les frais. Un mois plus tard, un épisode méditerranéen a frappé Valence, en Espagne, avec des pluies torrentielles qui ont déversé jusqu’à 72 cm d’eau par mètre carré en douze heures, causant la mort de 232 personnes.

Au total en Europe, les tempêtes et inondations de 2024 ont affecté environ 413 000 personnes, causant la mort de 335 d’entre elles. Le changement climatique en est en partie responsable, puisqu’il a commencé à modifier le régime des pluies : «Au cours des dernières décennies, les précipitations moyennes ont augmenté dans le nord, l’ouest, le centre et l’est de l’Europe. En Europe du Nord et de l’Est, les précipitations extrêmes ont également augmenté.» Et à l’avenir, l’Europe est l’une des régions où l’on prévoit la plus forte augmentation des risques d’inondations. Celles causées par les crues vont particulièrement augmenter en Europe occidentale et centrale, pointe notamment le rapport. Une année dévastatrice telle que 2024 devrait donc être plus commune à l’avenir.

Quarante-trois jours de fournaise à l’Est

Dans le sud-est de l’Europe, à l’inverse, les conditions particulièrement chaudes et sèches se sont maintenues pendant de longs mois. Les précipitations ont été insuffisantes au printemps et en été, tandis que les températures ont été particulièrement extrêmes. Pas moins de six canicules, totalisant 43 jours de fournaise, ont sévi dans cette zone entre juin et septembre. Le rapport dénombre également un record de 23 nuits tropicales (quand la température ne descend pas sous les 20°C) pendant l’été, soit trois fois plus que la moyenne habituelle.

Les fortes chaleurs et le manque de pluie ont causé des conditions sèches en été qui n’avaient pas été vues depuis douze ans. Cela s’est ressenti dans les rivières : «L’Europe de l’Est a connu des débits inférieurs à la moyenne pendant la majeure partie de l’année, avec les débits les plus faibles jamais enregistrés en novembre», note le rapport. Depuis, la situation n’est pas revenue à la normale et ce printemps 2025, les sols et les rivières de l’est de l’Europe sont particulièrement secs. A l’avenir, sous l’influence du changement climatique, les risques de sécheresse vont encore augmenter dans le sud-est de l’Europe, précise le rapport, en ajoutant que «les problèmes d’approvisionnement et de demande en eau deviendront donc plus graves et plus persistants». Plus largement, une Europe à deux facettes pourrait se dessiner sur le long terme, mais avec des contrastes entre le sud, qui va s’assécher, et le nord, où les conditions seront plus humides. Celeste Saulo, secrétaire générale de l’OMM, rappelle que le Vieux Continent est celui «qui se réchauffe le plus rapidement» et que «chaque fraction de degré supplémentaire d’augmentation de la température est importante car elle accentue les risques pour nos vies, pour les économies et pour la planète». Elle appelle à davantage d’efforts d’adaptation au changement climatique, à l’heure où la moitié des villes européennes ne sont pas dotées de plans en la matière.