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Libération
Double casquette

Le président de la COP28 accusé par la BBC de discuter business lors de réunions sur le climat

Chef d’orchestre de la conférence de l’ONU qui s’ouvre jeudi et PDG de la compagnie pétrolière émiratie, Sultan al-Jaber est accusé de faire prospérer les affaires de sa société sous couvert de discussions climatiques. Un porte-parole de la COP a démenti.
Le président de la COP28 Sultan al-Jaber, en Inde, le 27 juillet. (R.Satish Babu/AFP)
publié le 27 novembre 2023 à 19h16

A quelques jours d’une importante conférence climat organisée à Dubaï, les révélations de la BBC promettent de plomber l’ambiance. Ce lundi 27 novembre, une enquête publiée par le média britannique affirme que le président émirati de la COP28, Sultan al-Jaber, a profité de rencontres avec les représentants de certains Etats, censées porter sur le climat, pour conclure des marchés pour ses propres entreprises, notamment dans le domaine des énergies fossiles. Car l’intéressé est aussi patron de la compagnie pétrolière nationale Adnoc et du géant des énergies renouvelables Masdar.

La BBC s’appuie sur des documents recueillis par des journalistes du Centre for Climate Reporting (CCR). Les documents, dont le centre assure avoir vérifié l’authenticité, auraient été obtenus via un «lanceur d’alerte» resté anonyme par peur des représailles. Il s’agirait de la compilation de 150 pages de briefings préparés par l’équipe de la COP28 pour des réunions avec Sultan al-Jaber entre juillet et octobre.

Des points à aborder pendant les réunions

Les documents, affirme la BBC, ont été préparés par l’équipe des Emirats de la COP28 pour des réunions avec au moins 27 gouvernements étrangers avant le sommet. Ils comprennent des «points de discussion» comme l’un à l’intention de la Chine selon lequel Adnoc souhaite «évaluer conjointement des opportunités internationales» dans le gaz naturel liquéfié au Mozambique, au Canada et en Australie.

Selon la BBC, l’équipe des Emirats arabes unis n’a pas contesté l’utilisation de réunions COP28 pour des discussions d’affaires et a fait valoir que «les réunions privées sont privées». Selon le CCR et la BBC, plus d’une douzaine de pays sollicités par les deux organismes n’ont pas répondu, plusieurs ont réfuté avoir entretenu des tractations commerciales avec Sultan al-Jaber, malgré les points de discussion apparaissant sur les briefings préparés avant les réunions, et cinq autres ont affirmé qu’aucune réunion n’avait eu lieu.

«Le genre de conflit d’intérêts que nous craignions»

Pour Kaisa Kosonen, coordinatrice des politiques chez Greenpeace International, le sommet «devrait se concentrer sur le fait d’avancer sur des solutions climatiques de manière impartiale, pas des marchés d’arrière-plan qui alimentent la crise». «C’est exactement le genre de conflit d’intérêts que nous craignions quand le directeur général d’une compagnie pétrolière a été nommé à ce poste», a-t-elle ajouté. Le mélange des genres était prévisible. Le choix du patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc pour présider la COP28 avait déjà été vivement critiqué par les défenseurs de l’environnement, qui dénonçaient sa double casquette. Cette affaire devrait donc rajouter une couche de défiance. «Si ces accusations sont vraies, c’est totalement inacceptable et un véritable scandale», a réagi Greenpeace dans un communiqué, à trois jours de l’ouverture de la conférence de l’ONU sur le climat.

Un porte-parole de la COP28, qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, a rétorqué que «les documents évoqués dans l’article de la BBC sont inexacts et n’ont pas été utilisés par la COP28 lors de réunions». «Il est extrêmement décevant que la BBC utilise des documents non vérifiés», a ajouté le porte-parole. L’ambition finale de la COP28 sera d’autant plus scrutée pour juger de la crédibilité de la présidence émiratie. «Je suis très motivé, très enthousiaste et prudemment optimiste», avait déclaré al-Jaber à l’AFP peu avant les révélations de la BBC. De nombreux acteurs demandent que la nécessaire sortie des énergies fossiles soit pour la première fois mentionnée dans le texte final de la COP.