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Changement climatique

L’éruption aux Tonga augmente le risque de dépasser temporairement +1,5 °C de réchauffement

L’explosion massive d’un volcan aux Tonga, il y a un an, a rejeté de grandes quantités de vapeur d’eau, un puissant gaz à effet de serre. Résultat, les températures pourraient temporairement dépasser 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle, mais l’objectif de l’Accord de Paris n’est pas remis en cause.
L'éruption d'un volcan sous-marin au large de Tonga, qui a déclenché une alerte au tsunami pour plusieurs nations insulaires du Pacifique Sud, est visible sur une image du satellite GOES-West de la NOAA prise à 05h00 GMT le 15 janvier 2022. (Cira.Noaa/REUTERS)
publié le 13 janvier 2023 à 16h41

Il y a un an, le 15 janvier 2022, le volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha’apai entrait en éruption aux Tonga, petit archipel du Pacifique sud. Massif, le phénomène a été classé six sur l’indice d’explosivité volcanique, soit l’éruption la plus violente au monde depuis le mont Pinatubo aux Philippines, en 1991. En libérant quantité de panaches de suie, de vapeur d’eau et de dioxyde de soufre dans l’atmosphère, cet évènement a augmenté le risque de dépasser, temporairement, la barre d’un réchauffement planétaire de +1,5 °C, dévoile jeudi 12 janvier une étude britannique, publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change.

Habituellement, les particules de dioxyde de soufre, de poussière et d’aérosols expulsées lors des éruptions volcaniques majeures réfléchissent la lumière du soleil loin de la planète, la refroidissant temporairement. Par exemple, lorsque le mont Pinatubo est entré en éruption en 1991, les températures mondiales ont temporairement chuté de 0,5 °C. Cette fois, l’éruption aux Tonga a eu l’effet inverse, car le volcan a aussi recraché une quantité d’eau sans précédent dans l’atmosphère, expliquent les auteurs de l’étude dont les propos sont rapportés par le site Carbon Brief. La vapeur d’eau étant un puissant gaz à effet de serre, il est donc «possible que, sur une période de plusieurs années, Hunga Tonga-Hunga Ha’apai provoque une augmentation temporaire des températures de surface mondiales», indique le document.

L’auteur principal de l’étude, Stuart Jenkins, du département de physique atmosphérique, océanique et planétaire de l’Université d’Oxford, explique que le Hunga Tonga – Hunga Ha’apai a provoqué un réchauffement de surface grâce à la composition inhabituelle de son panache. «La plupart des grandes éruptions sont dominées par leurs émissions de dioxyde de soufre, qui refroidissent temporairement la planète en dispersant la lumière solaire […] L’éruption des Tonga était inhabituelle car elle a plutôt libéré une grande quantité de vapeur d’eau dans la stratosphère – un puissant gaz à effet de serre – avec peu d’émissions de dioxyde de soufre.» Au total, l’étude révèle que l’explosion n’a projeté que 420 000 tonnes d’aérosols de dioxyde de soufre dans la stratosphère. En même temps, le volcan a expulsé 146 millions de tonnes d’eau – l’équivalent de 58 000 piscines olympiques – augmentant la teneur en vapeur d’eau de la stratosphère de 10 à 15 %.

Selon l’Organisation météorologique mondiale, avant l’éruption, il y avait 50 % de chances que les températures mondiales dépassent un réchauffement de 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels au moins une fois d’ici 2026. Depuis l’éruption, la probabilité de dépasser ce seuil a augmenté de 7 %, rendant le «dépassement imminent de 1,5 °C» plus probable qu’improbable. Franchir temporairement le seuil de 1,5 °C, symbolique de l’Accord de Paris, ne signifierait pas manquer l’objectif mondial d’atténuation du changement climatique, qui concerne les tendances de température à long terme.

Une éruption visible depuis l’espace

L’explosion du 15 janvier 2022, assourdissante, avait été entendue en Alaska, de l’autre côté de l’océan, à plus de 9 000 km de distance. Des vagues de tsunami ont suivi et ont atteint la Russie, les Etats-Unis et le Chili. Un nuage de cendres, de gaz et d’eau a été éjecté à quelque 57 km dans l’atmosphère – le panache le plus élevé jamais enregistré depuis un volcan et visible depuis l’espace. Les cendres de l’éruption ont recouvert les îles voisines, forçant de nombreuses personnes à évacuer vers l’île principale. Environ 84 % de la population des Tonga a été touchée par les cendres et le tsunami au lendemain de l’éruption, et deux habitants ont été tués.

Pasquale Sellitto, du Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques, a également publié des recherches distinctes sur l’impact de l’éruption des Tonga. Interrogé par Carbon Brief, il juge les résultats de cette nouvelle étude «très raisonnables». Malgré tout, d’autres études sont nécessaires pour faire des estimations plus précises et discerner quelle est la contribution réelle de l’explosion au dépassement des 1,5 °C.

Dans le même média, Stuart Jenkins explique que l’impact de l’éruption sur les températures mondiales est temporaire et s’estompera dans cinq à dix ans. «Nous ne verrons pas l’impact des Tonga sur les événements liés au changement climatique comme les sécheresses ou les inondations, l’effet est tout simplement trop faible.»