C’est une bonne nouvelle. Une lueur d’espoir, surtout si la tendance se poursuit. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) de la Chine ont baissé de 3 % en mars par rapport à mars 2023, mettant un terme à quatorze mois de hausse depuis le redémarrage de l’économie du pays après la pandémie de Covid-19, indique une analyse publiée ce mardi sur le site spécialisé britannique Carbon Brief.
«Ma principale conclusion est que les émissions chinoises connaissent aujourd’hui un déclin structurel et que si les facteurs clés de ce déclin persistent, les émissions [du pays] devraient continuer à baisser, commente sur X l’auteur de l’étude, Lauri Myllyvirta, du Centre de recherche sur l’énergie et la propreté de l’air (Crea). Cela veut dire qu’avec les bons choix politiques, la Chine peut atteindre le pic de ses émissions dès maintenant.» Ce qui serait tout sauf anecdotique, puisque ce pays est le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre.
Le chercheur, qui se fonde sur des données officielles et commerciales, identifie trois facteurs clés expliquant cette baisse. D’abord, la hausse record l’an dernier en Chine – qui s’est accélérée au cours du premier trimestre 2024 – des capacités de production solaire et éolienne. Celles-ci ont couvert 90 % de l’augmentation de la demande d’électricité en mars, ce qui est d’autant plus remarquable que celle-ci a été forte (+7,4 %). Résultat, «la part d’électricité non fossile a grimpé à 36,2 %, contre 32,6 % l’an dernier». Au passage, remarque l’auteur, les véhicules électriques représentent désormais 10,5 % de ceux circulant sur les routes chinoises (contre 7 % l’an dernier), ce qui fait baisser la demande de carburant fossile d’environ 3,5 %.
Deuxième facteur de baisse des émissions : la forte chute de celles dues à la production d’acier (-8 %) et de ciment (-22 %), en raison de la poursuite du ralentissement du secteur de la construction. Enfin, troisième facteur identifié par l’analyse, la fin de la hausse de la consommation de pétrole qui avait accompagné le rebond post-Covid.
Si les chiffres permettant d’estimer les émissions de CO2 chinoises en avril sont trop peu nombreux à ce jour, les données industrielles indiquent que la tendance observée en mars s’est poursuivie en avril, relève l’étude. La chute des émissions en mars pourrait donc marquer «un tournant», estime Lauri Myllyvirta.
«Un signal très encourageant»
Mais il reste «un point d’interrogation majeur : l’ambition future», avertit-il. La question clé, pour le chercheur, sera de savoir si la croissance des capacités de production d’énergie propre se poursuit. Et de remarquer que les prévisions de croissance du secteur chinois des renouvelables sont bien plus optimistes que celles du gouvernement… sachant que par ailleurs, l’investissement dans les centrales à charbon se poursuit dans le pays.
«C’est un signal très encourageant, d’abord étant donné le poids écrasant de la Chine en termes d’émissions mondiales, mais aussi parce qu’il permet enfin de toucher du doigt l’impressionnant déploiement de renouvelables et de technologies propres que la Chine pousse depuis des années», réagit Lola Vallejo, conseillère spéciale climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)
Ceci dit, ajoute-t-elle, «il est évidemment à prendre avec des pincettes car on ne pourra véritablement confirmer ce pic des émissions qu’en regardant dans le rétroviseur dans quelques années». Selon la spécialiste, il faudra notamment surveiller si les politiques de déploiement des énergies renouvelables vont se poursuivre, mais aussi «dans quelle mesure le changement climatique va impacter la capacité de la Chine à utiliser l’énergie hydraulique [affectée par la longue sécheresse qui frappe le pays, ndlr], car la faible disponibilité de cette énergie a beaucoup pesé dans les émissions l’an passé».