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Libération
Réchauffement climatique

Les forêts tropicales d’Australie deviennent les premières du monde à rejeter davantage de CO2 qu’elles n’en absorbent

Décimées par les événements climatiques extrêmes, ces zones boisées ne peuvent plus jouer leur rôle de «puit de carbone», alerte une étude publiée mercredi dans la revue «Nature». D’autres forêts tropicales pourraient être touchées à l’avenir.

La forêt tropicale de Daintree, en Australie. (Fraser Hall/robertharding via AFP)
Publié le 16/10/2025 à 10h48

Les arbres aussi étouffent. Les forêts tropicales d’Australie sont devenues les premières au monde à émettre plus de dioxyde de carbone (C02) qu’elles n’en absorbent, révèle une étude parue mercredi 15 octobre dans la revue Nature, établissant un lien avec le dérèglement climatique.

«Il s’agit de la première analyse à montrer que ce phénomène se produit dans les forêts naturelles non perturbées et qu’il persiste pendant de nombreuses années», souligne Patrick Meir, auteur principal de l’étude, qualifiant les résultats de «très préoccupants».

Les forêts tropicales sont en règle générale considérées comme des puits de carbone essentiels, qui absorbent d’énormes quantités de gaz à effet de serre. Mais ces nouvelles recherches montrent que les températures extrêmes ont provoqué la mort de tant d’arbres que les forêts tropicales du nord de l’Australie deviennent des émetteurs nets de carbone.

Les chercheurs ont examiné les registres retraçant la croissance des forêts tropicales de l’Etat australien du Queensland sur près de cinquante ans. Ils ont constaté que vers l’an 2000, la décomposition des arbres morts a entraîné des émissions de dioxyde de carbone supérieures à celles absorbées et stockées par les troncs et les branches en croissance.

Une modélisation climatique a montré que la cause principale était les températures extrêmes liées au changement climatique et à ses effets sur l’humidité atmosphérique et la sécheresse. Les cyclones, dont l’intensité devrait augmenter avec le changement climatique, ont également eu un impact.

«Le moment est arrivé plus tôt que prévu»

Ces résultats concordent avec des recherches menées en Amazonie montrant que la mort progressive des arbres affaiblissait la capacité de stockage du carbone de la forêt, relève David Bauman, chercheur à l’Institut national de recherche pour le développement (INRD) et co-auteur de l’étude.

«En ce sens, nos résultats ne sont pas surprenants, mais le moment […] est arrivé plus tôt que prévu et les effets des facteurs climatiques probables (températures élevées, sécheresse) sont plus forts que prévu», alerte-t-il.

Cette étude suggère que d’autres forêts tropicales pourraient connaître le même changement, mais les auteurs avertissent que davantage de données et de recherches sont nécessaires. «Il semble que toutes les forêts tropicales soient susceptibles de réagir de manière assez similaire», estime Patrick Meir, mais «les mécanismes et les délais exacts varieront selon les régions».

«Priorité absolue»

Des résultats qui doivent sonner l’alarme, insiste Melanie Zeppel, experte en carbone forestier et directrice adjointe de la société d’investissement Pollination, spécialisée dans le changement climatique. «Cette étude montre que les effets du changement climatique sur le carbone forestier sont plus graves que ce qui avait été rapporté précédemment», souligne-t-elle, qualifiant la lutte contre le changement climatique de «priorité absolue».

Malgré sa vulnérabilité croissante aux catastrophes naturelles liées au changement climatique, l’Australie reste l’un des plus grands exportateurs de charbon au monde, et continue de subventionner largement ses combustibles fossiles. Les émissions de dioxyde de carbone par habitant du pays sont parmi les plus élevées au monde, selon les chiffres de la Banque mondiale.

A l’échelle mondiale, la seule année 2024 mais aussi la moyenne des deux années 2023-2024 ont dépassé 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle, selon l’observatoire européen Copernicus, signe d’une hausse des températures continue et inédite dans l’histoire moderne.