Le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), cet accord obsolète au regard de l’urgence environnementale, devrait bientôt être de l’histoire ancienne. Les Vingt-Sept ont approuvé ce jeudi 7 mars le retrait coordonné de l’UE de cette entente qui protège les investissements dans les énergies fossiles. De nombreux pays, dont la France, avaient déjà annoncé vouloir le quitter.
Le Traité sur la charte de l’énergie a été signé en 1994, au sortir de la Guerre froide, pour offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. Réunissant l’UE et une cinquantaine de pays, il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d’arbitrage privé, des dédommagements à un Etat dont les décisions affectent la rentabilité de leurs investissements, dont les politiques pro-climat.
Par exemple, l’Italie a été condamnée en 2022 à verser une compensation d’environ 200 millions d’euros à la compagnie pétrolière Rockhopper pour avoir refusé un permis de forage offshore. De même, l’énergéticien allemand RWE avait réclamé, avant d’y renoncer, 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes sur une centrale thermique affectée par une régulation néerlandaise anti-charbon.
Multiplication des contentieux
Face à la multiplication des contentieux, les Européens ont d’abord tenté de moderniser le texte pour empêcher les réclamations opportunistes et en exclure progressivement les fossiles. Faute de compromis rapide, près d’une dizaine d’Etats de l’UE ont décidé fin 2022 de se retirer du traité (France, Espagne, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg, Pologne…) L’Italie l’avait quitté dès 2015. Hors UE, le Royaume-Uni a annoncé son retrait le 22 février dernier.
Décryptage
Dès juillet, la Commission européenne avait proposé que l’UE, de concert avec ses États membres et l’organisation Euratom (nucléaire civil européen), «se retirent de manière coordonnée et ordonnée» d’un traité jugé «incompatible avec les ambitions climatiques européennes». Les ministres des Vingt-Sept, réunis à Bruxelles, ont donc entériné cette proposition ce jeudi, déjà approuvée la veille par les ambassadeurs des Etats, selon une source européenne. Un ultime feu vert des eurodéputés est encore nécessaire pour une sortie définitive.
Une autre proposition adoptée conjointement laisse cependant la possibilité aux Etats qui le souhaitent d’approuver la «modernisation» du traité lors d’une prochaine conférence de l’organisation et de rester membres du traité modifié, ce que réclamaient notamment la Hongrie et Chypre.
«L’un des pires traités d’investissements internationaux»
L’économiste Maxime Combes, du collectif STOP CETA-Mercosur, juge le TCE comme «l’un des pires traités d’investissements internationaux». Même le Giec qualifie le TCE d’un traité qui «s’attache toujours à promouvoir le développement des combustibles fossiles, […] conçu pour protéger les intérêts des investisseurs dans des projets énergétiques contre les politiques nationales». L’ONG CAN Europe s’est félicitée de la décision des Vingt-Sept, ravie de voir le «déraillement d’un traité de protection des entreprises polluantes» qui leur permet «de poursuivre les gouvernements pour leur action climatique, de perturber une transition énergétique juste».
L’eurodéputée écologiste Anna Cavazzini a toutefois regretté qu’il «n’y ait pas de majorité en faveur d’un retrait de tous les États membres» à titre individuel, «ce qui aurait signifié une plus grande sécurité juridique». Malgré tout, les pays restent concernés par la «clause de survie» du TCE, qui protège encore pendant plusieurs années, après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité.