Charles de Vallavieille conduit la visite d’un pas solennel. Ici, un bunker. Là, un obstacle antichar en pièces d’acier soudées, un mur de béton marqué par des éclats de mitraille, un canon resté fixé à sa structure d’origine. L’homme de 69 ans chemine à travers le sable et les herbes hautes courbées par le vent. En cette veille des commémorations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, il s’attarde sur chaque monument aux morts. Un drapeau des Etats-Unis flotte dans le ciel couleur de pluie. Le 6 juin 1944, plus de 23 000 soldats américains ont foulé Utah Beach, cette plage mythique située dans le département de la Manche. «En ce lieu où nous nous trouvons, j’ai déjà vu des vétérans saluer la mer en pleurant, témoigne le guide. Cette mer salvatrice qui nous a permis de redevenir des êtres libres et qui apparaît dorénavant sous un visage menaçant.» Il montre du doigt la bande dunaire fragile sur laquelle repose le musée d’Utah Beach, fondé par son père il y a soixante ans. «Les vagues grignotent du terrain, poursuit-il. Cet établissement, comme les stèles commémoratives, comme les blockhaus allemands, risquent un jour d’être envahis par les flots.»
Charles de Vallavieille est le maire de Sainte-Marie-du-Mont, la commune propriétaire du musée. Il y a cinq ans, il a fait installer des clôtures sur plus de 800 mètres de littoral afin de sanctuariser les dunes et d’éviter leur affaissement du fait du passage des 150 000 visiteurs annuels sur