Condamné en 2021 pour «inaction climatique», l’Etat sera-t-il aussi accusé de ne pas suffisamment s’adapter au réchauffement climatique ? C’est en tout cas ce que comptent démontrer des associations de défense de l’environnement et des citoyens sinistrés. Ces derniers ont annoncé ce mercredi 25 juin avoir déposé un recours devant le Conseil d’Etat pour obliger le gouvernement à renforcer sa politique en matière d’adaptation au changement climatique, une action qu’ils présentent comme «inédite» au niveau européen.
Pour aller plus loin
Les ONG Greenpeace, Notre Affaire à tous et Oxfam, qui avaient déjà réussi à faire condamner l’Etat pour inaction climatique dans l’Affaire du siècle, avaient déposé début avril une demande préalable au gouvernement lui demandant de prendre des mesures plus ambitieuses. «C’est la première fois dans l’Union européenne qu’un Etat est attaqué par des habitants sur le fait qu’il doit protéger les citoyens contre le changement climatique», avait souligné leur juriste Cléo Moreno.
Mesures plus ambitieuses
Cette démarche, préalable à une action judiciaire, répondait à la présentation en mars par le gouvernement du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc-3), destiné à préparer les transports, les infrastructures énergétiques ou l’agriculture à un réchauffement en France de + 4 °C d’ici la fin du siècle.
A lire aussi
Pour les associations, tout comme les onze citoyens requérants, ce plan reste «notoirement insuffisant», aussi bien dans les mesures annoncées que dans son financement. Que ce soit face aux fissures dans leurs maisons liées au phénomène de retrait-gonflement d’argiles, aux coupures d’eau à la suite des sécheresses ou aux inondations à répétition, ces Français estiment que l’Etat n’en fait pas assez.
«Livrés à eux-mêmes»
Victimes eux aussi dans leur quotidien des effets du changement climatique, les onze sinistrés se sentent démunis. L’un d’entre eux, Mohamed Benyahia, a vu les premières fissures sur sa maison apparaître en 2018. Il déplore auprès de Ouest-France «un sinistre qui ne s’arrête pas». «Les gens sont abandonnés, livrés à eux-mêmes. C’est impensable dans un pays comme la France !» Même constat pour Marie Le Mélédo, habitante des Lilas, en Seine-Saint-Denis, dont l’appartement s’est «entièrement fissuré» après la sécheresse d’août 2020.
A Mayotte, Racha Mousdikoudine proteste quant à elle contre le manque d’eau. Auprès de France Bleu, elle raconte son épuisement : «C’est se dire qu’on va passer plus de temps à aller chercher de l’eau – cinq à six heures par jour – que de pouvoir aller au travail. C’est se poser la question de savoir si mes enfants auront de l’eau à l’école ou pas ?» Cette Mahoraise assure qu’on lui a «même demandé de déménager. C’est invivable».
«Le gouvernement disposait de deux mois pour répondre» à «l’urgence d’une adaptation ambitieuse et juste. […] Mais il a choisi le silence et l’inaction», déclarent tous ces citoyens dans un communiqué.
Révision du plan
Le Pnacc-3 «n’a toujours pas de cadre contraignant et ne prend toujours pas en compte les inégalités sociales et territoriales face aux conséquences du changement climatique. […] Nous demandons [sa] révision, ainsi qu’une rencontre avec le président de la République et le Premier ministre pour engager dès maintenant un dialogue».
Le recours juridique s’appuie sur «l’obligation générale d’adaptation à la charge de l’Etat, déduite des textes constitutionnels, en particulier la Charte de l’environnement» et issus du droit européen, comme l’article 5 du règlement du 30 juin 2021 dit «loi européenne sur le climat», est-il expliqué.
Face aux catastrophes qui se multiplient en raison du changement climatique dans une France déjà plus chaude d’au moins 1,7 °C depuis 1900, «les réponses de l’Etat sont trop faibles, trop lentes, trop injustes», soulignent par ailleurs les requérants dans une lettre ouverte au président et au Premier ministre, publiée dans les Echos. «C’est bien d’abandon qu’il s’agit, dénoncent-ils. Ce que nous demandons est simple et juste : que l’Etat assume son rôle fondamental de protection.»