La série affolante de record de température continue sa course. Le mois de mars 2024, avec une température moyenne 1,68 °C plus élevée qu’un mois de mars pendant l’ère préindustrielle, devient le dixième mois consécutif battant son propre record de température, annonce ce mardi 9 mars le service changement climatique de l’observatoire européen Copernicus. Il a fait en moyenne 14,14 °C durant ce mois de mars, «soit 0,73 °C au-dessus de la moyenne 1991-2020», précise le programme.
«Nous sommes en sursis»
La tendance se poursuit donc : sur les douze derniers mois, la température du globe a été 1,58 °C plus élevée qu’à l’ère préindustrielle de 1850 à 1900. Si juillet 2023 est devenu le mois le plus chaud jamais mesuré dans le monde, tous les mois depuis juin ont aussi battu leur propre record. La température mondiale dépasse ainsi, sur un an, l’objectif des accords de Paris qui vise à limiter le réchauffement planétaire à +1,5 °C. Cette anomalie doit toutefois être relevée en moyenne sur «au moins 20 ans» pour considérer que le climat a atteint un tel seuil, et non la météo annuelle, rappelle l’observatoire. Mais «nous sommes extraordinairement proches de cette limite et nous sommes déjà en sursis», alerte Samantha Burgess, cheffe adjointe du C3S.
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Les océans ne sont pas en reste. Cela fait également plus d’un an que leur température est plus élevée que toutes les annales. Le mois de mars 2024 établit même un nouveau record absolu, tous mois confondus, avec 21,07 °C de moyenne mesurés à leur surface par Copernicus, hors zones proches des pôles. «C’est incroyablement inhabituel», souligne Samantha Burgess. Cette surchauffe menace la vie marine et entraîne plus d’humidité dans l’atmosphère, synonyme de conditions météorologiques plus instables, comme des vents violents et des pluies torrentielles. Elle réduit aussi l’absorption de nos émissions de gaz à effet de serre dans les mers, puits de carbone qui emmagasinent 90 % de l’excès d’énergie provoquée par l’activité humaine.
Phénomènes extrêmes
Pas étonnant donc, que cette dernière année soit à ce point marquée par la multiplication des catastrophes naturelles. «Plus l’atmosphère mondiale se réchauffe, plus les évènements extrêmes seront nombreux, sévères, intenses», rappelle la scientifique, citant la menace «des vagues de chaleur, sécheresses, inondations et incendies de forêt». Du Vietnam à la Catalogne espagnole en passant par l’Afrique australe, les pénuries d’eau frappent tous les continents. Après le Malawi et la Zambie, 2,7 millions de personnes sont menacées par la famine au Zimbabwe, qui a déclaré l’état de catastrophe nationale.
Interview
A l’inverse, la Russie, le Brésil ou la France ont connu des inondations désastreuses. Même si l’influence claire du changement climatique sur chaque évènement reste à établir par des études scientifiques, il est établi que l’élévation des températures mondiales accentue l’évapotranspiration et donc l’humidité potentielle dans l’air, augmentant de fait l’intensité de certains épisodes de précipitations. D’autres records seront-ils alors battus ces prochains mois ? «Si nous continuons à voir autant de chaleur à la surface de l’océan […] c’est très probable», avertit Samantha Burgess.
Battre les prévisions des scientifiques ?
Depuis juin, la météo mondiale subit également l’effet du phénomène climatique naturel El Niño, synonyme de températures plus élevées. Celui-ci a atteint son pic en décembre mais doit encore se traduire par des températures continentales au-dessus de la normale jusqu’en mai, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Selon elle, il y a des chances que le phénomène inverse nommé La Niña, qui refroidit les eaux du Pacifique, se développe «plus tard cette année» après des conditions neutres entre avril et juin.
Au regard de l’année 2023 totalement hors norme, la plus chaude jamais mesurée sur la planète, les climatologues s’interrogent sur leurs propres prévisions. «2023 se situe dans la fourchette des prévisions des modèles climatiques, mais vraiment à la limite extérieure», loin de la moyenne, s’inquiète Samantha Burgess. Toute cette chaleur, «nous pouvons l’expliquer en grande partie, mais pas entièrement», ajoute-t-elle. Selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, il y a une chance sur trois pour que l’année 2024 soit plus chaude que 2023, et 99 % de chances qu’elle se classe parmi les cinq années les plus chaudes de l’Histoire.