La France pourrait encore être dans le rouge cet été. Ce jeudi, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la vigie publique des réserves d’eau souterraine, a dévoilé des prévisions qui laissent présager une sécheresse bien pire qu’en 2022. Comme le montre la carte, la probabilité que survienne une sécheresse estivale est «forte» sur presque tout le territoire, avec des incertitudes sur les quantités de pluies attendues au printemps. Le risque est même «très fort» dans près de la moitié des départements métropolitains, notamment ceux du Centre-Val-de-Loire, du Poitou, de la Picardie, du bassin parisien, de la Haute-Normandie, du couloir du Rhône et de la Saône, des Pyrénées-Orientales, du sud-est. Ces zones vont rapidement voir leurs stocks d’eau souterrains très amoindris et donc être soumises à des restrictions à foison. Seuls le bout de la Bretagne et le Pas-de-Calais présentent un risque «faible» de sécheresse des nappes phréatiques pour cet été. Aucune nappe ne connaît un risque «très faible», faute de disposer de réserves au-dessus des normales permettant de tenir à coup sûr jusqu’à l’automne. C’est dire si l’inquiétude est grande.
Une recharge très insuffisante cet hiver
Fin août dernier, 93 départements avaient dû prendre des mesures de restriction au-delà de la vigilance, et 79 se trouvaient en «état de crise». En début d’année 2022, la carte des prévisions du BRGM pour l’été à venir était moins teintée de rouge et d’orange qu’en 2023. Etaient classés en risque très fort le Centre-Val de Loire et le Poitou ainsi que le sud-est. Ces zones avaient bien été les premières touchées par des restrictions ; la crise s’était ensuite généralisée à presque tout le territoire. «Mais nous n’avions pas été assez pessimistes sur certains secteurs», a reconnu Violaine Bault, hydrogéologue du BRGM lors de la présentation du bulletin du mois d’avril ce jeudi 13 avril.
Le BRGM constate que de nombreuses nappes ne se sont pas ou peu rechargées pendant l’automne et l’hiver. C’est pourtant la période pendant laquelle l’eau s’infiltre d’ordinaire en profondeur, ce qui permet de renflouer les stocks pour l’été. «La situation est assez inquiétante car quasiment toute la France est touchée et qu’on enchaîne deux ans où les nappes sont particulièrement basses», explique Violaine Bault. En ce début avril 2023, 75 % d’entre elles présentent des niveaux inférieurs aux normales mensuelles (contre 80 % en mars) et 19 % sont très basses. Malgré un mois de mars plus pluvieux que la normale, l’amélioration a donc été très faible à l’échelle nationale et les déficits accumulés n’ont pas pu être comblés. Le niveau des nappes est cependant revenu à la normale dans le bassin aquitain et le massif armoricain. «Le sol était très sec et la végétation a commencé à reprendre, les pluies ont eu des difficultés à s’infiltrer par endroits», souligne l’experte. Dans le Var, le déficit d’eau est même historique à cause d’une absence de précipitations depuis plusieurs mois. La plaine du Roussillon est aussi au plus bas.
Une quinzaine de départements déjà en restrictions d’eau
«On commence le printemps avec des niveaux très en dessous de ceux de l’année dernière, avertit Violaine Bault. Dans les prochains mois, l’impact des pluies sur les nappes sera limité, ce sera très local et relativement ponctuel.» Car la période de recharge se termine début avril. Les nappes entrent désormais dans une période déstockage, qui va s’accentuer avec le retour de la chaleur et la pression des activités humaines telles que l’irrigation. Violaine Bault ajoute : «Dans le bassin parisien, des arrêtés commencent à tomber, le niveau des nappes va se dégrader dès le printemps. Et sur le couloir du Rhône, on sait qu’il y aura des problèmes cet été.»
Le BRGM appelle à «faire attention à notre consommation d’eau» pour tirer le moins possible sur une ressource déjà très amoindrie. Christophe Béchu réunira «dans les prochains jours une nouvelle réunion du comité de suivi hydrologique», après un premier rendez-vous au mois de mars, a réagi le ministre de la Transition écologique sur Twitter.
Malgré une légère amélioration, l’état des nappes phréatiques reste préoccupante alors que la période de recharge se termine.
— Christophe Béchu (@ChristopheBechu) April 13, 2023
75% des niveaux des nappes sont sous les normales mensuelles. Je réunirai dans les prochains jours une nouvelle réunion du comité de suivi hydrologique. pic.twitter.com/q1cNM2IO6U
Près d’une trentaine de départements sont actuellement en vigilance, un peu partout sur le territoire, et dans une quinzaine, des restrictions d’eau s’appliquent déjà. Les Alpes-Maritimes, la Haute-Saône et presque l’intégralité du Var sont en alerte et la totalité des Pyrénées-Orientales est en alerte renforcée. Une partie des Bouches-du-Rhône est même en situation de crise, le niveau maximal d’alerte sécheresse. Le nombre de départements soumis à des restrictions a donc doublé en un mois. Mi-mars, sept départements avaient mis en œuvre des mesures de restrictions des usages de l’eau au-delà de la vigilance.