Les Nations unies ont terminé leurs calculs. En se basant sur les plans climatiques élaborés par les pays du monde, les émissions de gaz à effet de serre mondiales devraient réduire de seulement «environ 10 % d’ici 2035», a annoncé ce mardi 28 octobre l’organisation internationale. Une estimation qui reste pour le moment partielle en raison du retard d’une centaine de nations à publier leurs feuilles de route.
Le Giec, les scientifiques mandatés par les Nations unies sur le climat, estime que les émissions doivent baisser de 60 % à cet horizon, par rapport à 2019, pour avoir une bonne chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, le but le plus ambitieux de l’accord de Paris de 2015. Mais ce nouveau rapport de synthèse, publié neuf jours avant le lancement de la COP30 à Belem au Brésil les 6 et 7 novembre, montre que le monde n’est pas du tout sur la bonne trajectoire. Et qu’il est désormais impossible d’espérer rester sous la barre des 1,5 °C.
«Reconnaissons notre échec»
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a anticipé la semaine dernière en soulignant que «nous ne parviendrons pas à contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C dans les prochaines années». «Reconnaissons notre échec», a-t-il déclaré au Guardian ce mardi, s’attendant à «des conséquences dévastatrices, […] que ce soit en Amazonie, au Groenland, dans l’ouest de l’Antarctique ou sur les récifs coralliens.» Pour lui, la priorité de la Cop30 est «de changer de cap afin de garantir que le dépassement soit le plus court et le plus faible possible».
L’ONU a évalué les plans nationaux déposés à l’heure, fin septembre, qui fixent un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et détaillent les moyens d’y parvenir. Mais plus d’une centaine de nations manquent à l’appel, dont celui de l’Union européenne (UE), qui n’a fourni qu’une fourchette indicative, ou de la Chine, qui ne l’a pas formalisé à temps.
Urgence
L’ONU n’a donc pu inclure que les données de 64 pays dans sa synthèse et est incapable d’actualiser la trajectoire de réchauffement du monde, estimée l’an dernier à 2,1-2,8 °C d’ici la fin du siècle. Les données compilées, qui reflètent les engagements de pays représentant moins d’un tiers des émissions mondiales, «donnent une image assez limitée», reconnaît Simon Stiell, le secrétaire exécutif de l’ONU Climat.
«Loin d’être suffisant»
Pour avoir une image plus complète, l’ONU a fait des calculs incluant les lettres d’intention de la Chine ou de l’UE. Mais aussi l’engagement américain dévoilé par Joe Biden, avant le retour de Donald Trump, qui est complètement caduc… ce qui rend le calcul mondial très fragile.
«Cette image plus large, bien qu’encore incomplète, montre que les émissions mondiales devraient baisser d’environ 10 % d’ici 2035», indique Simon Stiell. «L’humanité est clairement en train d’infléchir la courbe des émissions à la baisse pour la première fois, même si cela reste encore loin d’être suffisant», a-t-il souligné.
Ces conclusions nourriront les vifs débats de la COP30, la grande conférence annuelle de l’ONU pour laquelle des pays européens et petites îles exposées aux ravages climatiques exigent que la question de la baisse des émissions, et donc des énergies fossiles, soit débattue.
Avec un climat déjà en moyenne 1,4 °C plus chaud aujourd’hui, de nombreux scientifiques estiment désormais que le seuil de 1,5 °C sera très probablement atteint avant la fin de cette décennie, l’humanité continuant à brûler toujours plus de pétrole, de gaz fossile et de charbon. L’ONU, et des climatologues, s’y sont résignés mais arguent désormais pour que ce soit temporaire.
Energie
«La science est tout aussi claire : les températures peuvent et doivent absolument être ramenées à 1,5 °C le plus rapidement possible après tout dépassement temporaire, en accélérant considérablement le rythme sur tous les fronts», a insisté Simon Stiell.
Il est en effet théoriquement possible de dépasser de quelques dixièmes le seuil de 1,5 °C puis d’y redescendre plus tard en absorbant des quantités industrielles de CO2 dans l’atmosphère, de manière naturelle (grâce aux puits de carbones tels que les forêts ou les océans) ou en ayant recours à des technologies de captage, marginales et peu matures. Mais cette solution est risquée et dangereuse. Un dépassement, même temporaire, entraînerait des «conséquences irréversibles», selon des scientifiques dans une vaste étude publiée l’an dernier dans la revue Nature.