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Décryptage

Pèlerinage à La Mecque, Inde, Mexique, Etats-Unis : comment la chaleur tue ?

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Des centaines de décès surviennent actuellement dans le monde en raison de canicules, l’organisme de certaines personnes ne parvenant plus à s’autoréguler.
Durant le pèlerinage à La Mecque, les pèlerins «restent des heures sous le soleil. Rapidement, le corps peut s’épuiser et ne plus trouver les réservoirs d’eau pour transpirer». Ici, le 19 juin 2024. (Fadel Senna/AFP)
publié le 21 juin 2024 à 15h06

Plus de 1 000 morts lors du grand pèlerinage à La Mecque, au moins 33 agents électoraux indiens morts lors des élections nationales au début du mois, 155 décès et des milliers de malaises au Mexique depuis mars et une canicule qui touche désormais le nord du pays et les Etats-Unis, où la première importante vague de chaleur de l’année pourrait connaître son pic ce week-end dans certains Etats…

Alors que la France vient de vivre son printemps le plus pluvieux depuis 2008, de nombreuses régions du monde sur quatre continents sont en proie à des canicules meurtrières, avec des températures approchant ou dépassant les 50 degrés. Le mois dernier a même été le mois de mai le plus chaud jamais enregistré dans le monde, devenant le douzième mois consécutif à battre son propre record, selon l’observatoire européen Copernicus. Comment la chaleur peut-elle avoir de telles conséquences sur la santé ? Libération fait le point.

Comment le corps réagit-il lorsque la température monte ?

Quand le mercure grimpe, le corps cherche à maintenir sa température centrale autour de 36,8 degrés. Comme un thermostat. «Pour garantir un bon fonctionnement des cellules, des enzymes et des organes vitaux, la température du corps doit rester constante, peu importent les conditions extérieures», explique à l’AFP Pieter Vancamp, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) à Nantes, neurobiologiste et spécialiste en physiologie.

En cas de chaleur, l’organisme active des mécanismes de thermorégulation : augmentation du débit sanguin au niveau de la peau par dilatation des vaisseaux cutanés afin d’évacuer la chaleur vers la surface du corps ; et transpiration, pour refroidir la surface de la peau.

Pourquoi certaines personnes meurent-elles durant les canicules ?

«Le corps a ses limites, souligne Pieter Vancamp. Quand il fait trop chaud ou que la chaleur extrême est combinée à de l’activité physique par exemple, l’organisme peut se retrouver en incapacité de s’autoréguler.» Les mécanismes de thermorégulation peuvent en effet être débordés et des symptômes liés à la chaleur se manifester, comme de la fatigue, des maux de tête, de la fièvre ou des troubles du sommeil.

Ils sont parfois annonciateurs d’accidents graves comme la déshydratation ou l’insolation. Le risque le plus grave est le coup de chaleur, qui peut entraîner le décès. Il se produit lors d’une surchauffe de l’organisme, dont la température dépasse les 40 degrés.

Durant le pèlerinage à La Mecque, les pèlerins «restent des heures sous le soleil, note Pieter Vancamp. Rapidement, le corps peut s’épuiser et ne plus trouver les réservoirs d’eau pour transpirer». Les organes vitaux (reins, cœur, cerveau) sont alors susceptibles de «chauffer» et «ne plus fonctionner», entraînant le décès.

L’Organisation météorologique mondiale (OMM), agence spécialisée des Nations unies, estime que la chaleur tue environ un demi-million de personnes par an, mais précise que le véritable bilan pourrait être trente fois plus élevé.

Qui est particulièrement vulnérable à la chaleur ?

«Plusieurs variables déterminent notre réaction à la chaleur : l’âge, la masse corporelle, l’activité physique, la génétique…», énumère Pieter Vancamp. Les nourrissons, les personnes âgées, les personnes ayant des problèmes de santé ou travaillant à l’extérieur sont ainsi plus vulnérables que d’autres aux effets des canicules. Chez les personnes âgées, le nombre des glandes sudoripares, qui produisent la sueur, est diminué du fait de l’âge. Reste que «quand la chaleur est trop forte, même des corps jeunes et en bonne santé peuvent ne pas avoir l’énergie de conserver une température proche de 37°C», précise le chercheur.

Les décès dus à la chaleur vont-ils augmenter à cause du réchauffement climatique ?

En 2022, les Terriens ont été exposés à 86 jours de températures potentiellement mortelles en moyenne, selon un rapport publié en novembre 2023 par la revue The Lancet. Et le nombre de personnes de plus de 65 ans décédées à cause de la chaleur a bondi de 85 % entre 1991-2000 et 2013-2022.

Dans le scénario d’un réchauffement planétaire de 2 degrés d’ici à la fin du siècle (il est en voie d’atteindre 2,7 degrés d’ici à 2100), les décès annuels liés à la chaleur devraient augmenter de 370 % d’ici 2050, soit une multiplication par 4,7, selon The Lancet.