La justice donne raison à la lutte écologique. Les huit militants d’Extinction Rebellion, poursuivis pour s’être introduits début mars sur un site du géant de la chimie Arkema, à Pierre-Bénite (Rhône), ont été relaxés, ce vendredi 5 juillet, par le tribunal correctionnel de Lyon. Alors que le procureur avait requis à leur encontre entre trois et six mois de prison avec sursis pour «participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou de dégradations», les juges ont estimé, au contraire, que les poursuites représentaient «une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression». «Le tribunal reconnaît la notion d’urgence climatique et reconnaît la liberté d’expression politique», s’est félicité Olivier Forray, un des avocats de la défense à la sortie de la salle d’audience.
Environnement
Agés de 23 à 43 ans, ces activistes environnementaux d’Extinction Rebellion ont participé, au début du mois de mars, et avec plusieurs centaines de personnes, à une intrusion dans une usine d’Arkema, dans le Rhône, au cœur de la «vallée de la chimie». Lors de cette action de désobéissance civile, les militants ont laissé derrière eux des graffitis, et déployé des banderoles dont une avec le mot «poison» surmontée d’une tête de mort. Le tribunal a donc estimé que leur interpellation sur un parking situé à l’extérieur du site industriel ne se justifiait pas et qu’elle allait à l’encontre de l’exercice de la liberté d’expression. Et pour cause : les activistes venaient dénoncer l’activité d’un site industriel soupçonné d’avoir émis d’énormes quantités de substances per- et polyfluoroalkylées, les Pfas, souvent surnommés «polluants éternels» en raison de leur contamination massive de l’environnement et de leur effet néfaste sur la santé des personnes.
Cet argument de la liberté d’expression a également fondé la relaxe des prévenus sur leur refus de se soumettre aux prélèvements biologiques destinés à inscrire leur ADN dans le fichier national des empreintes génétiques. Un seul prévenu a été condamné à une amende contraventionnelle de 500 euros pour «violence sans ITT», alors qu’il était poursuivi pour «violence sur agent de la force publique». Le tribunal a requalifié les faits en estimant que «les policiers ne s’étaient pas physiquement et nommément signalés» lors de leur première intervention. De son côté Bénédicte Graulle, l’avocate d’Arkema, qui s’est constitué partie civile, a estimé que si «la liberté d’expression est un des droits les plus fondamentaux de l’homme, il y a une limite c’est l’abus de cette liberté» : «Il y a eu une intrusion illicite sur le site […] sur lequel travaillent 500 salariés», a-t-elle souligné.
Pollution
Après la diffusion de plusieurs enquêtes journalistiques en 2022 sur les Pfas, les autorités régionales ont enjoint à Arkema de ne plus en utiliser d’ici la fin de l’année 2024. L’industriel a depuis installé une station de filtration permettant de réduire ses rejets. Début 2024, le géant de la chimie a même fini par céder à la pression des organisations syndicales et a proposé à l’intégralité de ses salariés d’analyser leur sang pour y déceler des Pfas. L’employé d’Arkema le plus touché a été testé avec près de 280 microgrammes de Pfna (acide perfluorononanoïque) par litre de sang : un taux presque 350 fois supérieur à la moyenne française.