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Interview

Pic de chaleur en cours : en France, «les 30 °C sont devenus la norme»

La hausse démarre ce mardi 10 juin en France, avec jusqu’à 38°C attendus dans les prochains jours. Bien qu’exceptionnelles, ces températures sont de plus en plus fréquentes, souligne auprès de «Libé» la climatologue Christine Berne.

Une sécheresse, dans le sud-ouest de la France, en août 2022. (Gaizka Iroz/AFP)
Publié le 10/06/2025 à 16h29

Chaud devant. A partir de ce mardi 10 juin et jusqu’à ce week-end, la France métropolitaine a des allures d’été. Bien que la saison estivale n’ait pas encore officiellement commencé, les températures vont largement dépasser les 30°C, du sud-ouest au nord-est du pays. Un pic de chaleur exceptionnel pour la période, mais de plus en plus fréquent, à une époque où les 30°C ne surprennent plus tant que ça. Christine Berne, climatologue chez Météo-France, revient pour Libération sur ce phénomène, qui ne fait qu’amplifier à mesure que le réchauffement climatique s’intensifie.

A quoi doit-on s’attendre cette semaine en termes de températures ?

Ce pic de chaleur commence aujourd’hui. Il va être assez court, mais intense – donc on ne parle pas de vague de chaleur. Les températures vont être supérieures à 30°C, voire 35°C dans le sud-ouest de la France. On peut s’attendre à 36°C ou 37°C, et peut-être 38°C, dans les Landes, en Gironde, en Charente… Essentiellement le long de la Garonne. Quant à la barre des 30°C, elle va être franchie plus généralement dans le pays au sud de la Loire, mais aussi en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire.

L’atmosphère est chaude un peu partout et a du mal à rafraîchir. De la chaleur «propulsée» d’Espagne et d’Afrique du Nord nous arrive en France, mais pour le moment, on a encore de l’air frais de l’Atlantique qui vient rafraîchir l’atmosphère. A mesure que la saison estivale avance et que l’océan se réchauffe, les réserves de rafraîchissement se réduisent. Et les vagues de chaleur se multiplient.

De telles températures début juin, est-ce inédit ?

Un tel pic de chaleur, on a déjà vu ça à cette période de l’année, mais ça n’est pas non plus quelque chose d’habituel, qui revient tous les ans. Cela reste exceptionnel. Par exemple, on a connu un petit épisode de chaleur relativement comparable, en 2003, à la mi-juin. Les températures avaient grimpé de 35°C à 38°C dans le Sud-Ouest et le Sud-Est, ce qui est assez élevé.

On a aussi eu un épisode très similaire en 2022. Du 15 au 19 juin, l’ensemble du pays a connu une première petite vague de chaleur cette année-là. Avec 31°C à Paris, 32°C à Nantes… Et encore plus dans le sud du pays [Biarritz avait par exemple atteint son record absolu, avec 42,9 °C, ndlr].

On se rappelle que les 30°C avaient déjà été atteints dès le 1er mai. Cette barre symbolique est-elle franchie de plus en plus tôt ?

Oui, très clairement. Les températures de 30°C sont mesurées de plus en plus tôt dans l’année, mais également de plus en plus tard. Et aussi de manière plus récurrente au cours de l’été ! Au XXe siècle, ce n’était pas forcément le cas. C’est surtout à partir des années 80 que l’on a commencé à relever plus fréquemment les 30°C.

Aujourd’hui, on peut dire que les températures estivales sont comprises entre 30°C et 35°C. C’est la nouvelle «norme». Entre 35°C et 40°C, cela relève encore de l’exceptionnel.

Peut-on s’attendre à ce qu’un jour, avec le réchauffement climatique, les 40°C deviennent la norme, et les 50°C l’exceptionnalité ?

Même à horizon 2050, on n’en est pas encore là, l’écart entre ces deux températures est immense. 50°C, c’est beaucoup. En revanche, les 40°C sont mesurés de plus en plus fréquemment dans des régions où ils ne l’avaient jamais été. Le réseau de mesure français comporte des stations météo ouvertes depuis les années 50. Ce que l’on sait pour sûr, c’est qu’entre 1981 et 2000, les 40°C ont été dépassés seulement 27 fois. Donc c’était exceptionnel. Entre 2001 et 2020, c’est arrivé 205 fois. Et là, entre 2021 et 2023, c’est 73 fois. C’est déjà plus en trois ans qu’en vingt ans à la fin du siècle dernier.