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Climat

Pourquoi le monde est en surchauffe depuis un an

Le secrétaire général de l’ONU a prononcé ce mercredi un discours pour alerter sur l’urgence climatique, annonçant que le mois dernier avait été le mois de mai le plus chaud jamais enregistré, après onze autres records.
A Veracruz (Mexique), le 21 mai 2024. (Yahir Ceballos/REUTERS)
publié le 5 juin 2024 à 18h12

«Dans le cas du climat, nous ne sommes pas les dinosaures. Nous sommes la météorite. Nous ne sommes pas seulement en danger, nous sommes le danger.» Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a tenu à en faire l’annonce lui-même, peu avant la publication coordonnée de deux rapports saisissants, l’un émanant de l’observatoire européen Copernicus, l’autre de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Mai 2024 a été le mois de mai le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial, «marquant le douzième mois d’affilée» à battre tous les records de chaleur, a-t-il déclaré mercredi 5 juin, lors d’un long discours à New York pour la Journée mondiale de l’environnement émaillé de ses rituelles phrases choc sur l’urgence climatique.

Selon le rapport de l’observatoire européen Copernicus rendu public ce jeudi, mai 2024 a surpassé les 15,72°C de mai 2020. Un record mensuel devenu une constante ces douze derniers mois : depuis juin 2023, la température moyenne mensuelle sur la planète a atteint, à chaque fois, une valeur record pour la période correspondante. «Cette série peut choquer, mais elle n’est pas surprenante, analyse le climatologue Carlo Buontempo, directeur du service dédié au changement climatique au sein de Copernicus. Elle finira par s’interrompre, mais ce qu’il faut en retenir, c’est qu’elle est la signature générale du changement climatique et qu’aucun signe de renversement de cette tendance n’est en vue.» «La norme est devant nous, et non pas derrière», insiste la climatologue Françoise Vimeux, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

«De plein fouet»

Ces onze derniers mois ont aussi été marqués par une suite exceptionnelle de données dépassant la barre des fameux 1,5 °C – la limite du réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle à ne pas franchir, idéalement, selon l’accord de Paris –, rend compte Copernicus. C’est-à-dire que depuis juillet 2023, les températures mensuelles répertoriées ont toutes été supérieures d’au moins +1,5 °C à la température moyenne de référence (celle courant sur la période 1850-1900). Durant la totalité de l’année écoulée (juin 2023-mai 2024), la température moyenne a été supérieure de 1,63 C° à la moyenne préindustrielle.

De son côté, l’Organisation météorologique mondiale indique qu’il y a 80 % de probabilité que la température annuelle moyenne dépasse la limite de 1,5°C d’ici à 2028, alors que nous en sommes à environ 1,2°C sur la dernière décennie, selon une étude également publiée mercredi par des dizaines de climatologues renommés. L’humanité flirte donc avec la limite de 1,5°C, mais ce chiffre doit être atteint en moyenne sur des décennies pour être considéré comme notre nouveau climat stabilisé. «Cela ne veut pas dire aujourd’hui que les objectifs de Paris sont obsolètes. Pour pouvoir confirmer une telle chose, il faut que ces dépassements se réitèrent au moins deux années sur trois sur plusieurs décennies, détaille la chercheuse Françoise Vimeux. Mais cela veut clairement dire que les +1,5 °C sont un début de réalité. Réalité que nous devrions prendre de plein fouet et franchir au cours de la décennie 2030-2040 au regard de notre trajectoire tendancielle d’émissions de gaz à effet de serre.»

La part écrasante de «la combustion fossile continue du charbon, du pétrole et du gaz»

Mise en ligne il y a une semaine, une autre étude, menée par le réseau international de scientifiques World Weather Attribution, spécialiste de la science de l’attribution (discipline qui consiste à déterminer l’influence de la crise climatique dans la probabilité et l’intensité d’événements extrêmes), conclut qu’entre le 15 mai 2023 et le 15 mai 2024, 6,3 milliards de personnes à travers la planète – soit «environ 78 % de la population mondiale» – ont ainsi connu «au moins 31 jours de chaleur extrême». Les critères retenus pour la définir étant des «températures anormalement élevées sur une vaste géographique pendant une période prolongée de trois jours ou plus», au «moins dix décès» liés à cet événement, ou des «perturbations majeures dans des secteurs critiques», notamment les transports, l’énergie et l’industrie manufacturière. Durant cette période, les chercheurs ont identifié 76 vagues de chaleur extrême dans 90 pays différents. Le Suriname, l’Equateur, la Guyane, le Salvador et le Panama figurent en tête des Etats les plus durement et longuement touchés.

«Ces douze derniers mois, le changement climatique d’origine humaine a ajouté en moyenne 26 jours supplémentaires de chaleur extrême par rapport à un monde sans changement climatique», écrivent ces spécialistes. Leur travail insiste sur la part écrasante de «la combustion fossile continue du charbon, du pétrole et du gaz» dans la flambée du thermomètre. Bien que minoritaire, le rôle de la variabilité naturelle du climat est aussi à prendre en compte. Et notamment celui du phénomène el Niño, cette perturbation naturelle et périodique débarquée en milieu d’année 2023 (actuellement en train de s’achever) qui se manifeste par un réchauffement de l’océan Pacifique équatorial et fait grimper le mercure mondial.