Il est des conséquences du réchauffement climatique que l’on n’aurait pas pu anticiper. Voilà que les glaciologues s’inquiètent de ne plus pouvoir trouver de météorites en Antarctique en raison de la hausse des températures. Au rythme actuel du réchauffement climatique, environ 5 000 météorites «deviennent inaccessibles» chaque année et 24 % à 76 % pourraient «être perdues» d’ici à 2100, écrivent Veronica Tollenaar, chercheuse à l’Université libre de Bruxelles et Harry Zekollari, chercheur à l’École polytechnique fédérale de Zurich, dans un article publié dans Nature climate change ce lundi 8 avril.
L’Antarctique est le fournisseur officiel de météorites de l’humanité. 48 000 des quelque 80 000 cailloux de l’espace identifiés à date proviennent du continent blanc. Et pour cause, les météorites sont noires et donc plus visibles sur un sol clair et particulièrement dans les zones dites de glace bleue, qui représentent 1 % de l’antarctique. Le fonctionnement des glaciers conduit certaines de ces régions à devenir des «zones d’échouage des météorites». En effet, la glace bleue se forme quand les couches de neige et de glace superficielles «sont enlevées de la surface par une combinaison de processus d’écoulement de la glace et de conditions météorologiques locales, exposant des météorites qui étaient autrefois enfouies dans la glace», décrivent les auteurs. Les météorites venues de l’espace, et parfois de la Lune ou Mars, pour s’écraser dans le manteau neigeux sont ensuite charriées par les glaciers jusqu’à ces endroits où elles affleurent, noires sur la glace bleue.
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Selon l’article, au moins 600 «zones d’échouage des météorites» restent à explorer et contiendraient entre 300 000 et 850 000 météorites qui attendent quelqu’un pour les ramasser. Elles peuvent rester là des milliers d’années, expliquent les chercheurs. Mais voilà que le réchauffement climatique leur fait perdre patience. Sous son effet, les météorites ont tendance à s’enfoncer dans la glace. «Même lorsque les températures sont nettement inférieures à zéro, les météorites, avec leur surface sombre caractéristique, se réchauffent lorsqu’elles sont exposées au rayonnement solaire et peuvent faire fondre la glace sous-jacente», s’affolent les chercheurs. Les météorites s’enfoncent alors dans le trou qu’elles créent. L’eau passe au-dessus d’elles et gèle à nouveau. Comme des épaves de la connaissance du cosmos, les météorites «coulent» dans la glace pour ne jamais être retrouvées.
A l’aide d’une intelligence artificielle, les auteurs affirment que «les pertes de météorites à l’échelle du continent antarctique sont fortement corrélées à l’augmentation de la température de l’air à l’échelle mondiale : 5 100 à 12 200 météorites (~1-2 % de toutes les météorites actuelles) sont perdues de la surface de la calotte glaciaire pour chaque dixième de degré d’augmentation de la température». Un rythme bien supérieur à celui de la collecte (environ 1 000 par an). Ils appellent donc à réduire les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines et à une collaboration internationale pour collecter rapidement «toutes les météorites nécessaires pour préserver les informations sur notre système solaire que chaque échantillon supplémentaire contient».
Un appel auquel se joint Kevin Righter, planétologue et spécialiste de la recherche de météorites pour la Nasa, dans le même numéro de Nature climat change. La collecte de nouvelles météorites pourrait «permettre de découvrir des morceaux de Mercure ou de Vénus qui auraient été éjectés de leur surface à la suite d’un impact», avance-t-il. Des échantillons à même de «révolutionner notre compréhension de la composition et de la dynamique du système solaire interne, ainsi que de l’origine des planètes». Ces cailloux de l’espace constituent une ressource pour, par exemple, comprendre «l’origine des matières organiques» et, pourquoi pas les origines de la vie sur Terre.